Louise Martin* est restée bouche bée en lisant la lettre de Swisscom Directories. Cette fois, la filiale de Swisscom – aussi connue sous le nom de Localsearch – ne lui annonçait pas le doublement du prix de son inscription dans l’annuaire local.ch. Non, cette fois, elle voulait lui vanter sa nouvelle plateforme psychotherapie-comparatif.ch. Elle «permet de trouver différents psychothérapeutes dans la région et de les comparer à l’aide de photos, des prix et de témoignages», peut-on lire. Et puis, quelques lignes plus bas, Localsearch écrit: «Si vous souhaitez classer votre cabinet médical en tête de liste de votre localité, vous pouvez déterminer vous-même votre position en achetant des points de classement.»
«Cette manière de procéder est scandaleuse», s’insurge la psychologue qui a transmis la lettre à Bon à Savoir. Et de dénoncer un système – appliqué à d’autres professions (lire encadré) – qui référence les professionnels en fonction de ce qu’ils veulent bien payer. Car il s’agit bien de cela: un point de classement est facturé 20 ct. par jour et par code postal sous lesquels l’annonce apparaît. Et le risque de surenchère d’éventuels concurrents peut évidemment faire grimper la facture pour figurer en tête de liste.
Procédé trompeur
Le hic, c’est que ce système payant n’est pas clairement indiqué sur toutes les plateformes comparatives. Si Localsearch désigne désormais les annonces sponsorisées des psychothérapeutes par l’annotation «classement payant», il maintient la dénomination très vague «premium» pour les professions non-médicales. Le porte-parole de Localsearch, Harry Meier, explique ce système différencié par la «sensibilité particulière» du secteur médical. Du coup, l’internaute qui cherche un électricien ou une crèche pourrait croire à tort être en face d’un comparateur basé uniquement sur les avis des clients.
D’autres éléments ont de quoi laisser songeur. A commencer par la fiabilité des informations affichées sur le site. Car, comme nous l’a précisé Localsearch, les prestataires de services sont responsables du contenu qu’ils publient sur leur profil. La plateforme compte sur l’autorégulation induite par les commentaires des utilisateurs.
Publicité illégale
Cette absence de filtre ou de modération est très délicate pour des professions protégées comme la psychothérapie. Car, contrairement à d’autres corps de métiers (graphiste, nutritionniste, etc.), seuls les détenteurs d’un diplôme reconnu peuvent pratiquer sous ce titre. A la suite de l’intervention des associations de psychologues et de psychothérapeutes, Localsearch affirme vérifier individuellement chaque inscription. Reste que Bon à Savoir a tenté l’expérience: une annonce fantaisie est apparue sur le site aussitôt après sa publication par l’auteur.
A cela s’ajoute des règles strictes en matière de publicité pour les métiers de la santé. La loi sur les professions médicales stipule notamment que les personnes qui exercent une profession médicale universitaire doivent «s’abstenir de toute publicité qui n’est pas objective et qui ne répond pas à l’intérêt général». La Fédération suisse des psychologues (FSP) porte d’ailleurs un regard critique envers le modèle commercial de psychotherapie-comparatif.ch, sans pour autant en interdire l’utilisation à ses membres. Pour sa part, notre lectrice Louise Martin n’est pas près de cautionner un tel système.
*Nom d’emprunt
Sandra Porchet
Des pédiatres aux électriciens…
Localsearch gère actuellement trente plateformes fonctionnant sur le même modèle que psychotherapie-comparatif.ch. On y trouve, par exemple, electricien-comparatif.ch, dermatologue-comparatif.ch, pediatre-comparatif.ch ou même salon-funeraire-comparatif.ch! Le système est le même pour tous: l’inscription est gratuite, mais les prestataires peuvent payer, afin de figurer en meilleure place dans l’annuaire. La filiale de Swisscom s’est lancée dans ces sites soi-disant comparatifs début 2019, en rachetant l’entreprise Websheep, qui détenait cinq plateformes. Les autres ont été lancées, depuis, par Localsearch, en reprenant les données disponibles sur local.ch et search.ch. Elles se trouvent encore en phase de construction.