Les gels douche en contiennent. Les crèmes pour le visage aussi. Tout comme les shampoings et les déodorants. Il est question de microplastiques. Non pas des minuscules billes exfoliantes. Celles-ci ont déjà été en grande partie bannies par les fabricants lorsque les consommateurs ont pris conscience de ce qu’ils faisaient couler dans leurs eaux usées. Les microplastiques, dont il s’agit ici, sont des particules bien plus petites, invisibles à l’œil nu. Il s’agit aussi de plastiques liquides que les fabricants utilisent sous forme d’additifs déterminant la consistance et la stabilité des produits, explique Serge Stoll du département des Sciences de l’environnement et de l’eau de l’Université de Genève. Ou comme le formule l’organisation écologiste Greenpeace: «La catégorie des microplastiques comprend tous les polymères de synthèse.» D’une part, ces particules étant microscopiques, elles sont soupçonnées de pouvoir pénétrer dans les tissus lorsqu’on s’applique une crème pour le visage, par exemple. Et, quand on rince le produit, elles partent dans les eaux usées. Souvent trop petites pour être filtrées dans les stations d’épurations, elles finissent dans la nature.
Un million de particules par tube
Les produits cosmétiques ne sont certes de loin pas les plus gros émetteurs de microplastiques dans l’environnement. Cela dit, il peut y avoir plus d’un million de particules dans un seul tube, selon le chercheur. Les méfaits à long terme sont encore peu connus. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estime que les particules de moins de 150 micromètres (en comparaison, un cheveu humain a une épaisseur entre 60 et 100 micromètres) restent dans l’organisme et peuvent être absorbées par les tissus. Des études réalisées sur des animaux en ont décelé des traces dans les parois intestinales et les vaisseaux lymphatiques. Ces minuscules particules peuvent causer une inflammation locale, avertit l’EFSA. Les chercheurs soupçonnent également qu’elles affectent le système immunitaire.
En Suisse, il n’existe actuellement pas de restriction pour l’utilisation de microplastiques dans les produits. L’Union européenne (UE), quant à elle, élabore une loi visant à les interdire. Le texte pourrait être adopté cette année encore. Toutefois, le projet est critiqué, car il ne porte pas sur les nanoparticules, ce qui laisse la porte ouverte à l’industrie pour basculer à cette échelle encore plus petite. Cela présenterait un danger encore plus grand pour la santé. A Berne, on suit de près les développements dans l’UE et on examinera un règlement de restriction correspondant dès que le Règlement européen aura été finalisé, indique l’Office fédéral de l’environnement.
Les fabricants jouent sur les mots
En attendant, les microplastiques dans les cosmétiques ne sont pas une fatalité. En effet, il existe des shampoings et autres crèmes qui ne contiennent pas de dérivés de plastique. Une appli permet de les reconnaître: «Beat the Microbead», développée et mise à disposition gratuitement par la Fondation néerlandaise Plastic Soup, qui se bat contre la pollution au plastique. Il suffit de scanner la liste des ingrédients. Le logiciel affiche en rouge, si le produit contient des composants de microplastiques et, en orange, s’il y a des polymères «douteux», sur lesquels la recherche n’est pas encore avancée.
Nous avons fait le test. Premier constat: les descriptifs «naturels» ou «bio» ne signifient pas «sans microplastique». Même les produits étiquetés «sans microplastique», qui commencent à fleurir dans les rayons, ne sont pas une garantie. A l’image de Kneipp et de Nivea, dont les gels douche contiennent des PEG (polyéthylène glycol), affichés en orange. Interpellé, Kneipp souligne qu’il utilise des PEG dont les chaînes chimiques sont courtes, ce qui les rend dégradables. Reste que les PEG sont, eux aussi, des polymères. Nivea n’a pas répondu à nos questions. Heureusement, nous avons trouvé dans chaque catégorie de produits, des élèves modèles pour lesquels la lumière est au vert.
Sandra Porchet