Depuis le 13 septembre, la présentation d’un certificat COVID et d’un document d’identité avec photo est obligatoire à l’entrée des lieux culturels ou de loisirs ainsi que dans les bars et les restaurants. Pourtant, une majorité de cafetiers romands ne semble pas disposée à appliquer à la lettre ces nouvelles directives. C’est, du moins, ce qui ressort de notre enquête effectuée dans 70 établissements du 21 au 23 septembre. Les résultats de nos investigations, menées avec nos collègues de On en parle (RTS-La Première) sont frappants: un tiers des aubergistes a contrôlé à la fois notre certificat COVID et un document d’identité (33%). Un peu plus de la moitié a vérifié uniquement le pass (51%) et près d’un établissement sur six (16%) n’a rien demandé ou s’est contenté d’une confirmation orale, sans examen.
identité: le contrôle qui dérange
Nous avons demandé des éclaircissements sur les motivations de chacun à agir de telle ou telle manière (lire l’encadré «Notre enquête»). Quelques restaurateurs nous ont affirmé qu’il s’agissait d’un oubli et qu’ils effectuent, d’ordinaire, les contrôles complets. D’autres qu’ils n’avaient tout simplement pas le temps de tout vérifier.
Deux autres explications reviennent de manière récurrente. Certains bistrotiers nous ont ainsi confié leur profonde réticence «à faire la police», soulignant qu’il n’appartient pas à leur métier de demander des cartes d’identité.
Ils nous ont aussi exprimé leur attachement à entretenir un lien de confiance avec leur clientèle, du moins lorsqu’elle en paraît digne. Plusieurs patrons se sont ainsi contentés de demander oralement à nos enquêteurs s’ils possédaient un certificat COVID ou un document d’identité, sans vérifier ensuite la véracité de nos réponses positives. «Beaucoup de clients se confient à nous et nous font confiance, nous a expliqué un patron genevois. Et nous, on nous demande de ne pas leur faire confiance et d’exiger qu’ils confirment leur identité lorsqu’ils nous montrent leur pass? Non, ce n’est pas mon rôle de fliquer les gens.»
Indéniablement, le document d’identité représente la pierre d’achoppement pour de nombreux cafetiers, puisque le certificat lui-même a été contrôlé dans plus de huit restaurants sur dix (84%). Cette démarche jugée intrusive contrevient à la vision humaine et relationnelle qu’ils ont de leur métier.
Et la sécurité sanitaire?
Quoi qu’il en soit, les directives fédérales ne sont, le plus souvent, pas respectées, ce qui est tout de même susceptible de constituer un risque sanitaire pour la clientèle et le personnel de l’établissement. Le danger demeure très difficile à évaluer, ce d’autant plus que le fait de vérifier le certificat COVID uniquement confère déjà une certaine sécurité. On peut, en effet, supposer raisonnablement que la plupart des citoyens sont honnêtes et que seule une petite minorité de personnes sera tentée de présenter un document qui n’est pas le sien. GastroSuisse soutient que le secteur ne constitue pas un foyer important de contamination: «Dans le canton de Zurich, par exemple, moins de 0,4% des infections survenues en juillet étaient dues à des visites au restaurant. Un nombre nettement plus élevé de personnes ont été infectées en vacances, dans les transports publics, au sein de leur propre foyer ou en faisant des achats, comme le montrent les chiffres zurichois.»
L’OFSP inflexible
Interpellé sur nos résultats, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) affirme «déplorer évidemment tout manquement aux prescriptions légales, notamment celles qui visent à lutter contre la pandémie», mais botte en touche en ajoutant «qu’il appartient aux cantons de les faire respecter». Et pas question de remettre en question le double contrôle, car «il permet de s’assurer que le certificat appartient bien à la personne qui le présente».
Les réticences des restaurateurs à «faire un travail de policier» n’émeuvent pas l’OFSP. L’Office fédéral relève qu’ils devaient déjà demander une carte d’identité pour s’assurer du respect de la réglementation en vigueur lors de la vente d’alcool à des personnes susceptibles d’être mineures. De plus, estiment les fonctionnaires fédéraux, «l’expérience avec les organisateurs des grands événements, pour lesquels le certificat était demandé depuis le printemps déjà , a montré qu’une telle inspection ne pose généralement pas de problème».
GastroSuisse ne partage pas cet avis: «Les contrôles d’âge pour la distribution d’alcool ne sont pas comparables à la situation actuelle, ni en termes de fréquence et d’effort ni en termes de défis mentaux.» La Fédération nationale de l’hôtellerie et de la restauration rappelle, en outre, «avoir toujours plaidé pour que les organes d’exécution cantonaux prennent en charge les contrôles de certificats et d’identité. Les employés de l’industrie hôtelière ne sont souvent pas formés à cette tâche.»
Baisse du chiffre d’affaires
Fait marquant: un peu plus d’une semaine après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, certains restaurateurs nous ont fait part d’une chute brutale de leur chiffre d’affaires qu’ils estiment à 40, 50 voire 70% selon les lieux. Et le pire pourrait être à venir. De nombreux établissements limitent encore les pertes, car ils disposent d’une terrasse – couverte ou non – qui leur permet d’accueillir les clients sans pass, en toute légalité. L’arrivée du froid risque d’avoir des conséquences importantes sur les revenus générés par ce biais. Dans plusieurs endroits, nos enquêteurs ont d’ailleurs constaté que la terrasse était plus fréquentée que l’intérieur de l’établissement.
Sentiment d’être des boucs émissaires
Enfin, les cafetiers nous ont fait part de leur sentiment d’être des boucs émissaires particulièrement ciblés par les mesures anti-covid. «Nous avons investi dans des panneaux en plexiglas, puis on a exigé de nous que nous fermions nos établissements. Maintenant, on veut que nous contrôlions nos clients. Mais pourquoi ne demande-t-on pas de certificat COVID dans les grandes surfaces?», résume, désabusé, un restaurateur vaudois.
Maigre consolation: beaucoup de tenanciers affirment que la grande majorité des clients coopère, voire prend parfois les devants en présentant spontanément les documents exigés.
Sébastien Sautebin
Un certificat sans données de santé
Un certificat COVID contient des données relatives à la santé. Il précise notamment si son détenteur est guéri de l’infection, s’il a été testé négatif ou s’il est vacciné, avec, dans ce cas, diverses informations comme la date et le nom du produit.
L’application verte gratuite, Covid Check, sert à vérifier la validité d’un certificat. Elle n’indique toutefois au vérificateur que le nom et la date de naissance du possesseur du certificat et si ce dernier est valide. Elle ne permet pas d’enregistrer le document.
Toutefois, un individu malintentionné ou mal informé peut, à l’entrée d’un restaurant ou d’un club, utiliser l’application bleue Covid Certificate et sa fonction «ajouter un certificat» pour scanner votre pass. Dans ce cas, il pourra voir vos données de santé et même en conserver une copie sur son téléphone. Il existe une parade simple: générer un «certificat light». Ce dernier ne contient plus d’informations de santé et n’est pas lisible avec l’application bleue. Il n’est utilisable qu’en Suisse et doit être réactivé toutes les 48 heures. On peut revenir à tout moment au certificat standard d’un simple clic.
Pour générer un «certificat light»:
➛ Sélectionner son code QR
➛ sur l’appli Covid Certificate.
➛ Défiler jusqu’en bas de la page.
➛ Activer l’option «certificat light».