Les détaillants préparent les consommateurs à des hausses de prix depuis des semaines. Le patron de Migros, Fabrice Zumbrunnen, déclarait en mars: «Depuis l’automne, nous sommes confrontés à une hausse des coûts des matières premières et de l’énergie. La guerre en Ukraine a encore aggravé la situation.»
Les détaillants n’ont pas attendu le début du conflit. Ils ont renchéri de nombreux produits alimentaires en janvier déjà, et souvent de façon considérable! Le litre d’huile de colza M-Classic de Migros a augmenté de 40 centimes, le Vita d’Or vendu chez Lidl de 70 centimes, soit une hausse de 28,1%. Certains spaghettis et penne au kilo, chez Migros ou Coop, se sont renchéris d’un quart, voire d’un tiers du prix. Les cafés ont rapidement suivi, avec des hausses jusqu’à 1,50 fr. les 500 grammes.
Ces hausses sont-elles justifiées? Bon à Savoir a mis en parallèle les augmentations en magasin avec l’indice des prix à la production et à l’importation. Résultat: le grand écart!
Effet d’aubaine
Certaines hausses de prix chez Migros, Coop et d’autres sont plusieurs fois supérieures à celles annoncées par les producteurs. Y aurait-il un effet d’aubaine? «Je suis convaincu que de nombreuses entreprises profitent de l’occasion pour améliorer leur marge», analyse Daniel Lampart, économiste en chef de l’Union syndicale suisse (USS). Selon les calculs de la faîtière, les hausses cumulées entre les loyers, les produits de consommation courante et les primes d’assurance maladie pourraient coûter 3500 francs de plus par an à une famille de classe moyenne.
A nos questions, précises, les distributeurs répondent par le flou. Loin d’expliquer, par exemple, pourquoi les poudres à lever Pâtissier chez Migros et Prix Garantie chez Coop ont vu leur prix augmenter de 42,9% en janvier. Ils indiquent avoir répercuté les hausses de prix de leurs fournisseurs, causées par les difficultés d’approvisionnement liées à la pandémie et, partant, les augmentations du prix des matières premières. S’y ajoutent la hausse des coûts de l’énergie, des emballages et du transport ainsi que les mauvaises récoltes de 2021.
Un ensemble de facteurs responsables du renchérissement de 10 centimes pour quantité de farines, pains et toasts chez Migros et Lidl, jusqu’à 20 centimes pour plusieurs pains Coop (voir schéma). Dans le commerce de gros, on ne donne pas d’explications plus détaillées. Pistor écrit: «Pour s’assurer de l’approvisionnement de produits, nous avons dû accepter et reporter de nombreuses augmentations de tarifs.»
Hausses dix fois plus fortes en magasin
Les hausses de prix les plus importantes constatées en rayons sont deux, quatre, six, voire dix fois plus fortes que celles relevées entre octobre et mars dans l’indice des prix à la production et à l’importation.
Injustifiable, y compris en tenant compte des loyers des magasins, des salaires et du marché de gros. Même en comparant les chiffres plus tôt, dès la fin de l’été, les courbes de ces indices, qui font la moyenne des évolutions de prix de produits suisses ou importés, restent éloignées.
Plus inquiétant: de nouvelles augmentations sont à craindre. Aldi et Coop les annoncent pour fin avril sur les pâtes, huiles alimentaires, cafés et produits de boulangerie. Ce double renchérissement a déjà pu être observé. Exemple: les amandes entières bio Coop Naturaplan. Le sachet de 200g est passé de 4,70 fr. à 4,95 fr. en janvier, puis à 5,95 fr. courant avril. Fin 2021, l’IPI des noix et fruits à coque a connu de fortes hausses mensuelles. Résultat: deux hausses de prix en magasin en l’espace de quatre mois.
La guerre en Ukraine, nouvelle variable
Avant le printemps, les prix de produits non alimentaires ont aussi pris l’ascenseur: chez Coop, plusieurs papiers hygiéniques de marque propre et essuie-tout se sont renchéris entre 25 centimes (4 rouleaux) et 50 centimes (6 ou 12 rouleaux), nombre de déodorants en spray ou à bille entre 10 et 20 centimes. Le distributeur faisait grimper quelques semaines plus tard le prix d’autres articles similaires. Fin mars, Migros augmentait à son tour ces sortes de produits.
En revanche, d’autres articles au sein d’une même gamme de produits n’ont pas – ou pas encore – connu de hausse pour des raisons stratégiques.
La guerre en Ukraine et les sanctions internationales à l’encontre de la Russie promettent de faire durer les augmentations de prix. Leurs effets ont commencé à se faire sentir dans les coûts de l’énergie pour la production et le transport. Si le conflit a déjà servi de justification, le gros de la vague n’est pas passé, comme le montre pléthore de hausses inquiétantes dans l’indice des prix à la production et à l’importation en mars.
Les distributeurs disent répercuter systématiquement les baisses ou les augmentations de tarifs à l’achat sur le prix vente. Avec, pour l’heure, un impact négatif sur le panier de l’acheteur. Les effets de la guerre en Ukraine, notamment la hausse du prix des aliments pour animaux, ont fait décoller le prix d’une boîte de six œufs, illustre Coop. Migros a augmenté en avril le prix des soupes, sauces et boissons. Quant à la viande, plusieurs distributeurs prévoient très prochainement des adaptations de prix «modérées».
En marge du commerce de détail, de nombreux secteurs se sont plaints récemment de l’augmentation des prix, en particulier dans la construction. Qu’en est-il?
La construction touchée
«Du clou à la poutre en acier, tout est devenu plus cher», a déclaré Matthias Engel, porte-parole de la Société suisse des entrepreneurs, au 20 Minutes. Selon l’Office fédéral de la statistique, le prix d’importation du fer brut et de l’acier n’a toutefois augmenté que de 6,6% depuis janvier. Durant les derniers mois de 2021, il était même en baisse. La hausse des prix des matériaux de construction pour le bâtiment et le génie civil n’a été que de 3% depuis janvier, et celle des matériaux de construction pour le bois a légèrement baissé. Les vis et les boulons, sur six mois, n’ont affiché qu’une hausse de 0,2% en décembre.
Autre déclaration: les prix des carreaux céramiques pour murs et sols ont «explosé» depuis le début de l’année, a affirmé à la NZZ Franziska Bürki, de l’entreprise Sabag, spécialisée dans la construction. Le prix d’importation des matériaux de construction en céramique n’a toutefois augmenté que de 3,8% depuis octobre. Interrogé à ce sujet, Sabag écrit qu’avec les pénuries de matières premières et la hausse des prix de l’énergie, on a assisté à «des hausses de prix à deux chiffres». En tout cas pas depuis l’automne pour la plupart des importations…
Gilles D’Andrès
Pour amortir l’inflation
- Les augmentations de prix touchent rarement tous les produits d’une même catégorie. Il vaut la peine de comparer des articles semblables dans les rayons. Par ailleurs, l’inflation n’exclut pas des baisses de prix temporaires ou des «actions».
- Les prix du mazout et du gaz ont grimpé. Pour le gaz naturel, les hausses peuvent atteindre 50 fr. par mois pour une villa consommant 20 000 kWh par an! Baisser le chauffage d’un degré permet d’économiser 7% d’énergie. Il ne faut pas hésiter à descendre d’un ou de plusieurs crans les vannes des radiateurs, surtout en cas d’absence prolongée. Autre piste: diminuer la durée des douches.
- On peut chauffer moins chez soi et exploiter la chaleur de manière plus efficace. SuisseEnergie conseille de ne pas obstruer les radiateurs avec des meubles ou des rideaux, de baisser les stores et de fermer les volets la nuit. Pour aérer, on évitera de laisser une fenêtre longtemps ouverte en imposte.
- Eteindre les lumières superflues et couper les appareils électriques après utilisation. Bon nombre de ces appareils continuent à se gaver en mode veille, voire éteints! La multiprise avec interrupteur permet d’en couper plusieurs en même temps. Les chargeurs sont aussi énergivores: veiller à bien les débrancher, une fois que le téléphone a fait le plein.
Composition du prix du pain en boulangerie
Contrairement à un argument souvent répété, le prix du pain n’est que peu influencé par la guerre en Ukraine et la flambée des cours du blé. Moins d’un cinquième des céréales sont importées et le prix des céréales représente environ 10% du prix du pain. De plus, si les prix grimpent, la Confédération réduit les droits de douane – cette protection pour les céréales panifiables est passée de 23 fr./100 kg en octobre à 5.60 fr./100 kg au début d’avril.