Le mot flatte nos plus bas instincts et notre circuit de la récompense: le jeu-concours. On glisse son nom, prénom, adresse, on répond éventuellement à une question… Et, peut-être, la surprise s’offrira-t-elle à nous. Difficile de résister pour nos cortex plein d’espoir.
Doit-on s’étonner que les réseaux sociaux et les marques se soient engouffrés dans la brèche?
Aujourd’hui, pullulent les appels à «aimer» un post et à le partager publiquement en taguant le nom de la marque. Voire à mentionner en commentaire des proches susceptibles de craquer sur tel adorable lit-cabane pour Junior, de rêver d’une escapade dans un hôtel-spa à deux pas des pistes de ski ou d’aspirer à une réduction sur des soins esthétiques.
Et le mot passe. De compte en compte. Les pages personnelles nous transforment en équivalents modernes des hommes-sandwichs.
Si on vous suggérait, dans un magasin, de prendre une plaquette publicitaire avec vous partout où vous iriez en échange de la participation au concours, accepteriez-vous? Peut-être en prendriez-vous quelques-unes, pour les déposer discrètement ici ou là. Mais, si on exigeait que vous la montriez à vos collègues, vos amis et votre patron, n’hésiteriez-vous pas? Et si on vous demandait, au passage, une copie de votre liste de contacts, avec leur identité, lieu de résidence, âge et sexe, n’y trouveriez-vous pas à redire?
C’est pourtant ce qui se passe, chaque fois qu’une marque parvient à s’infiltrer sur votre page personnelle. D’innombrables sites de conseils pour les marques en devenir encouragent d’ailleurs ces mécanismes. Au nom de la maximisation de la visibilité et de l’acquisition de nouveaux fans.
C’est à ces méthodes intrusives que l’on repère le basculement. On passe du partage bon enfant d’un plan pour tenter sa chance à un support publicitaire qui se joue de toutes les règles sur la marchandisation de nos pages personnelles. Espaces sur lesquels on confie souvent bien plus de données qu’on ne le soupçonne (lire «Pistés de l’écran à la boîte aux lettres»).
«Si c’est gratuit, c’est vous le produit», dit si bien le dicton. A garder en tête, la prochaine fois que le petit cœur ou le pouce levé et l’option «partage» viendront titiller notre goût du jeu. Pour voir que, derrière le joli lit-cabane, on trouve surtout la recherche du bon plan marketing.
Laura Drompt