«La qualité de l’air est largement en dessous de ce qui peut encore être considéré comme sain.» Ce constat accablant provient de Michael Riediker, directeur du Centre suisse de santé au travail et de l’environnement (SCOEH) à Winterthour (ZH), au regard des mesures effectuées par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce dernier a relevé les concentrations en CO2 dans 100 salles de classe des cantons de Vaud, Berne et des Grisons. L’enquête a été conduite pendant les hivers 2013/2014 et 2014/2015, soit en période de chauffage.
En 2019, l’OFSP n’avait communiqué que les grandes lignes des résultats, à savoir que la qualité de l’air pendant l’enseignement était «insuffisante» dans deux tiers des salles de classe. Les cantons concernés n’ont pas appris où la qualité de l’air s’était révélée mauvaise.
Qualité «inacceptable»
En s’appuyant sur la Loi sur la transparence, Bon à Savoir a pu obtenir les mesures détaillées. La qualité de l’air dans ces classes est «inacceptable» pendant 10% du temps d’enseignement. Dans dix classes, elle est même mauvaise pendant la plus grande partie des cours. La concentration en CO2 dépasse les 4000 ppm (parties par million) avant midi déjà. Selon l’OFSP, les valeurs supérieures à 2000 ppm sont considérées comme «inacceptables» et potentiellement néfastes pour la santé.
Concentration et santé affectées
Lorsque l’air est de si piètre qualité, la concentration et les performances des élèves baissent considérablement. Cela peut aussi conduire à des irritations des muqueuses, des maux de tête, entre autres. Sans oublier que les virus se propagent plus facilement dans un air vicié.
Six des dix pires résultats ont été mesurés dans des classes vaudoises (voir tableau). Il s’agit de deux classes d’Yverdon, trois d’Orbe et d’une de Corcelles-près-Payerne.
Le canton de Vaud mise sur la sensibilisation des enseignants. Il a aussi distribué des appareils de mesure de CO2 , soit en moyenne un pour cinq classes, qu’elles utilisent à tour de rôle.
Aucune nouvelle mesure
Ces mesures ont-elles porté leurs fruits? Impossible de le dire. Les autorités vaudoises n’ont pas réalisé de contrôles afin de vérifier leur efficacité. «Le bilan est fait au quotidien par l’ensemble des usagers des salles de classe», souligne Giancarlo Valceschini, directeur général de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée (DGEO).
L’expert en santé du travail Michael Riediker fustige un suivi si maigre. «Avec des valeurs aussi scandaleuses, les autorités doivent prouver que le problème est sous contrôle.» La Confédération ne fait pas mieux. Il s’est écoulé sept ans depuis les résultats de son étude et elle n’a effectué aucune nouvelle mesure. L’OFSP déclare ne pas avoir «de mandat officiel pour le contrôle de la qualité de l’air à l’intérieur, en Suisse». Autrement dit, le bien-être des élèves dans les classes est loin d’être une priorité.
Vanessa Mistric / Sandra Porchet