Sur le plan financier, la solidarité familiale tient dans un article du Code civil suisse (3281):
«Chacun, pour autant qu’il vive dans l’aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin.»
Jusqu’à la fin de l’année dernière, il fallait comprendre que toute personne ayant un revenu imposable supérieur à 60 000 fr. (80 000 fr. pour un couple) était susceptible de devoir aider une parenté directe (lire encadré) si elle était dans le besoin. Depuis le 1er janvier 2009, cette limite a été radicalement revue à la hausse: 120 000 fr. pour une personne (180 000 fr. pour un couple), plus 20 000 fr. par enfant à charge. Certes, on tient aussi compte de la fortune, mais après déduction de 250 000 fr. par personne, 500 000 fr. pour un couple et 40 000 fr. par enfant, le solde étant ensuite converti en revenu sur la base de l’espérance de vie*. Autant dire que rares sont les communes qui vont pouvoir obtenir une participation familiale, avant d’accorder une aide publique.
Ainsi va le système
Car ainsi va le système d’assistance en Suisse: une personne tombée dans le besoin (elle n’a plus les moyens de subvenir à ses besoins vitaux et personnels indispensables: nourriture, habillement, logement, soins médicaux, etc.) est prise en charge par l’aide sociale, via sa commune de domicile. Laquelle peut solliciter la participation des parents en ligne directe pour autant qu’ils vivent «dans l’aisance».
Le problème, c’est qu’il est très difficile de s’entendre sur ce qu’on appelle l’aisance. Encore plus dans la Confédération helvétique, avec ses 26 lois cantonales et la traditionnelle marge d’autonomie laissée aux communes! En plus, le Tribunal fédéral, qui s’est souvent prononcé en la matière, n’a rien arrangé en décidant que les cantons pouvaient certes fixer des repères, mais que, in fine, seul un juge pouvait trancher…
Divergences cantonales
Les normes de la Conférence suisses des institutions d’action sociale (CSIAS), parce qu’elles ont été augmentées dans les proportions évoquées ci-dessus et sont donc devenues «réalistes» au regard de la jurisprudence, vont vraisemblablement servir de référence en la matière. Mais elles restent des minima, que de nombreux cantons (notamment Genève, Vaud et Neuchâtel) avaient déjà atteints avant la hausse, lorsqu’ils n’allaient pas au-delà encore, se retournant donc très rarement vers les familles pour leur demander une participation.
A l’inverse, d’autres cantons appliquaient le droit avec zèle, comme le Valais, le seul à obliger dans la loi ses collectivités publiques à le faire. Ceux-là ont deux possibilités: soit ils s’alignent sur les normes de la CSIAS et vont devoir le plus souvent renoncer à solliciter la participation des familles, soit ils maintiennent les anciennes limites, au risque de se faire taper sur les doigts par les juges au premier recours!
Christian Chevrolet
BONUS WEB: table de conversion
Qui est sollicité?
Depuis le 1er janvier 2000, l’obligation d’entretenir les membres de sa famille dans le besoin se limite strictement aux proches en ligne directe.
Les parents doivent ainsi porter assistance à leurs enfants majeurs et les grands-parents à leurs petits-enfants (même si c’est rare). Mais l’inverse est vrai aussi: les enfants doivent soutenir leurs parents dans le besoin, voire leurs grands-parents.
Au 20e siècle, les frères et sœurs étaient aussi sollicités, le cas échéant. Ils ne sont désormais plus inquiétés, pas plus que les tantes et oncles, nièces et neveux, belles-mères, beaux-pères et beaux-enfants.