Quelle part d’héritage obtiendra mon conjoint? Lors d’un décès, le montant qui revient à l’époux survivant sera plus ou moins élevé selon les dispositions prises auparavant. On peut favoriser son partenaire en dérogeant aux règles prévues par défaut dans le contrat de mariage et le testament. Pour y voir plus clair, nous avons pris l’exemple d’un couple marié, proche de la retraite et dont les enfants sont majeurs.
Contrat de mariage
Au moment du mariage, le régime matrimonial appliqué par défaut est celui de la participation aux acquêts. Elle implique qu’au décès d’un conjoint, ce qui appartient au couple - acquêts (les acquêts sont les biens acquis par les deux conjoints pendant le mariage. Par exemple, salaires ou rentes.) - est divisé en deux avant le partage de la succession, mais ce qui appartient exclusivement à l’un des deux conjoints - bien propre (les biens propres, appartiennent exclusivement à l’un des deux époux. Ils incluent les biens qui étaient en leur possession juste avant le mariage, mais aussi certains de ceux qu’ils ont reçus après (héritage ou donations par exemple)) - ne fait partie que de la succession de son propriétaire.
Un couple peut déroger à ce régime de base, avec l’assistance obligatoire d’un notaire. Deux possibilités s’offrent alors: la communauté de biens ou la participation au bénéfice.
Monsieur et Madame X: un couple avec une fortune de 150 000 fr.
Admettons que notre couple de référence possède une fortune de 150 000 fr. Elle est composée d’un tableau de maître hérité par Madame (bien propre) d’une valeur de 50 000 fr. Monsieur ne possède pas de bien propre. Et le couple a accumulé, grâce à ses salaires, une somme de 100 000 fr. (acquêts).
Au décès de Madame, le conjoint survivant pourrait conserver ses biens propres, mais ce monsieur n’en possède pas. Il a aussi droit à la moitié des acquêts du couple, soit 50 000 fr. Et il partagera avec les autres héritiers le patrimoine de la défunte, soit 100 000 fr. Après la liquidation du régime matrimonial et de la succession légale, Monsieur possédera une fortune de 100 000 fr. Il laisse s’échapper 50 000 fr.
1. La communauté de biens
Le régime de la communauté de biens peut se révéler intéressant dans les cas suivants:
Si une fortune importante a été constituée par l’un des conjoints avant le mariage ou si le couple a une part élevée de biens propres, provenant de donations ou d’héritages.
La communauté de biens permet de supprimer les biens appartenant exclusivement à l’un des deux conjoints: la totalité du patrimoine appartient aux deux époux. Ainsi, lors de la succession, la moitié de ces biens en commun ira directement au conjoint survivant.
Exemple avec Monsieur et Madame X
Monsieur conserve la moitié de la fortune du couple. Elle s’élève cette fois-ci à 75 000 fr. Et il partagera avec les autres héritiers le montant de 75 000 fr. Finalement, la fortune de Monsieur s’élèvera à 112 500 fr. Il ne se défait que de 37 500 fr.
2. La participation au bénéfice
Il est possible d’attribuer au conjoint survivant, par le biais d’un contrat de mariage, la fortune économisée durant les années de vie commune. Dans cette variante, seuls les biens propres du défunt tombent dans la succession. S’il n’y en a pas, le conjoint survivant reçoit alors l’ensemble de la fortune, les enfants n’héritant qu’au décès du deuxième parent.
Cette variante n’est pas autorisée pour les couples avec des enfants non communs.
Exemple avec Monsieur et Madame X
Monsieur garde la fortune du couple, soit 100 000 fr. Il devra alors uniquement partager les biens propres de Madame avec ses enfants, soit 50 000 fr. Monsieur gardera alors 125 000 fr. sur les 150 000 fr. que possédait initialement le couple.
Testament ou pacte successoral
La répartition de la part successorale du défunt peut être ajustée. Par défaut, la succession se partage pour moitié entre les enfants et le conjoint survivant. On peut déroger à ce régime en accordant des avantages particuliers au survivant. Les démarches varient du simple testament, daté, signé et écrit à la main par chaque époux séparément, au passage obligé de toute la famille devant le notaire.
1. Réduction de la part des enfants à la réserve légale
La part minimale (réserve légale) à laquelle les enfants peuvent prétendre s’élève à la moitié de leur droit de succession, et donc un quart de l’ensemble des biens du défunt. Dans le testament, l’époux ou l’épouse peut donc prévoir que les enfants sont renvoyés à leur réserve, et que le conjoint survivant touchera tout le reste.
2. Usufruit au survivant sur toute la succession, plus une partie en pleine propriété
Un des époux peut accorder, par testament, au conjoint survivant l’usufruit sur toute la succession, y compris sur la part dévolue aux enfants. Celui ou celle qui reste pourra donc habiter ou louer la maison familiale, et jouir des comptes en banque ou des placements du défunt. Les enfants n’ont en principe pas le droit d’y toucher jusqu’au décès ou au remariage de leur père ou mère. Ce n’est pas tout: en plus de cet usufruit, le survivant peut toucher la moitié de la succession en pleine propriété.
3. Pacte de renonciation avec ses enfants
Si les relations sont au beau fixe, parents et enfants peuvent établir une sorte de contrat. Ce pacte de renonciation permet aux descendants de renoncer volontairement à leur héritage. Ils ne bénéficieront de leur part successorale qu’au décès du deuxième conjoint. La signature de l’ensemble des personnes concernées est obligatoire, de même que le concours d’un notaire.
Timko Chatagnat / Silvia Diaz
Le concubin peu protégé
La loi n’est pas très favorable au concubin, puisque sans testament, il n’a aucun droit particulier dans la succession. Et si son ou sa partenaire a des enfants de son côté, il ou elle ne pourra guère lui laisser plus de la moitié de ses biens. La note d’impôt risque, en outre, d’être salée: près de 50% de l’héritage selon les cantons! Le concubin peut néanmoins être désigné bénéficiaire d’une rente de survivant de la caisse de pension du défunt, pour autant que l’union ait été stable et qu’il ait été annoncé à temps (lire «Annoncer son concubin sans tarder»).