L’Avastin, traitement anticancéreux, a reçu une autorisation temporaire dans l’Hexagone pour le traitement de la forme humide de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). En Suisse, cette utilisation n’est pas homologuée auprès de Swissmedic et, par conséquent, pas remboursée par la LAMal.
Alors que la France a fait un pas de géant, rien n’est appelé à bouger chez nous. Car les autorités helvétiques sont légalement impuissantes. Roche est le seul à pouvoir faire avancer les choses en déposant une demande d’homologation auprès de Swissmedic. Or, l’entreprise n’a aucun intérêt financier à le faire. Elle prétend que l’Avastin n’apporte aucun bénéfice supplémentaire aux patients sur le plan médical. Ce qui est sûr, c’est qu’il pourrait réduire de 80 millions par année les frais de la santé.
Onze fois plus cher!
Actuellement, deux préparations sont autorisées par Swissmedic pour traiter la DMLA humide: l’Eylea de Bayer ainsi que le Lucentis, élaboré par une filiale de Roche, mais commercialisé par Novartis. Ainsi, Roche reçoit des royalties pour les ventes du Lucentis, mais aussi pour celles de l’Eylea. Et n’a donc aucun intérêt à faire homologuer un produit qui se vend 88.25 fr. la dose reconditionnée à la Pharmacie internationale Golaz de Lausanne contre 1067 fr. pour le Lucentis et l’Eylea.
Bien qu’il ne soit pas couvert par la LAMal, l’Avastin revient donc moins cher aux patients que les 10% de la quote-part (106.70 fr.) dont ils doivent s’acquitter pour les deux autres préparations! Robert Golaz, pharmacien de l’enseigne éponyme, a sa petite explication sur le prix exorbitant des deux remèdes: «Les laboratoires ne calculent pas le coût du produit, mais la valeur que les gens seraient prêts à payer pour garder la vue.»
Les assurances maladie sont donc contraintes de prendre en charge ces deux préparations onéreuses, mais pas l’Avastin. Assura et Helsana jouent néanmoins le jeu. Carl Herbort, ophtalmologue à Lausanne, arrive à les convaincre de rembourser les honoraires du médecin qui l’administre. «J’ai permis aux caisses d’économiser près de 5 millions en l’utilisant depuis plus de neuf ans!» s’enthousiasme-t-il. Gabriele Thumann, médecin-chef aux HUG, ne l’injecte que lorsqu’il n’existe aucun autre médicament pour soigner le patient. Car, administrer un produit non homologué par Swissmedic pour cette maladie engage la responsabilité du médecin.
Des risques marginaux
Le débat pour ou contre les injections intravitréennes de l’Avastin serait-il biaisé par des conflits d’intérêts? On peut le craindre quand on sait que l’Association Retina Suisse et Gabriele Thumann, qui ne recommandent aucune utilisation hors étiquette du produit, ont tous les deux reçu des fonds de Novartis pour financer leurs travaux…
Plusieurs études ont pourtant démontré que l’Avastin était tout aussi efficace que le Lucentis. Dans un communiqué de presse, Roche estime qu’il existe un risque de contamination bactériologique lors du reconditionnement du produit ainsi qu’un problème de conservation. «Si tout est fait dans les règles, il se garde trois mois, affirme Robert Golaz. Depuis les années que nous le vendons, seul un ou deux cas ont été constatés, mais ils étaient dus au geste médical.» Gabriele Thumann, reconnaît également n’avoir jamais eu de problèmes en près de dix ans d’utilisation.
Pour éviter toute infection, la pharmacie prépare les seringues dans une salle blanche et plusieurs contrôles sont effectués sur chaque lot. «On en fait beaucoup trop en Suisse. Les Américains rigolent en voyant nos procédures», glisse le pharmacien. Selon lui et Carl Herbort, les dangers énoncés ne concernent pas la Suisse où les règles de bonnes pratiques de fabrication (BPF) sont plus strictes.
Christelle Maillard
Conseils
Prévenir l’apparition de la DMLA
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) se présente sous deux formes: sèche ou humide. Or, seule la seconde peut être traitée. Plus agressive mais moins répandue, elle peut provoquer la cécité. Bien qu’on ne puisse pas lutter contre le vieillissement de l’œil, il existe quelques recommandations pour prévenir l’apparition de la DMLA.
➛Favoriser les antioxydants: le zinc (poisson, viandes, céréales, etc.), la vitamine C (agrumes, kiwis, poivrons, etc.), la vitamine E (huiles végétales, beurre, avocat, etc.) et la bêtacarotène (fruits et légumes rouges, orange et verts).
➛Consommer des aliments riches en zéaxanthine, comme le maïs, et en lutéine (légumes à feuilles vertes).
➛Modérer les oméga 6 et préférer les oméga 3 (poisson gras, fruits à coque, etc.).
➛Eviter de fumer.
➛Surveiller son poids, le taux de cholestérol et l’hypertension.