Quand son père est décédé en avril 2010, après avoir passé 29 ans dans son appartement, Marie-Laure* a dû se défendre bec et ongles pour mettre fin au contrat de location dans les plus brefs délais.
Chargée par ses frères et sœurs de régler la succession, elle a résilié le bail de manière anticipée pour la fin du mois de juin. Le gérant lui avait, par téléphone, assuré qu’elle n’aurait pas à chercher de repreneur, des travaux devant être entrepris pour rafraîchir le logement. Au mois de mai, il s’était du reste rendu sur les lieux pour estimer l’ampleur des rénovations.
Cinq mois de loyer
Marie-Laure n’a ensuite plus entendu parler de la régie. A la fin de juin, s’inquiétant de ne pas avoir de rendez-vous pour l’état des lieux, elle s’est approchée du gérant. Celui-ci lui a alors sèchement répondu qu’elle était responsable du bail jusqu’à la fin du mois de septembre!
De rage, notre lectrice a alors renvoyé les clés de l’appartement dans un courrier recommandé, tout en rappelant au gérant ses promesses. De guerre lasse, celui-ci a alors contacté le propriétaire de l’appartement, qui a mis fin au contrat et a accepté de renoncer aux loyers de juillet, août et septembre.
Si la gérance s’était montrée clémente, elle aurait pu libérer les héritiers à la fin de juin, puisque des travaux étaient prévus. Mais, comme elle ne l’a pas fait, Marie-Laure a finalement eu de la chance d’obtenir, de la part du propriétaire, la libération du paiement des trois mois de loyer supplémentaires. En effet, dans cette triste affaire, notre lectrice a agi avec émotion – et c’est compréhensible! –, mais elle n’a pas respecté la procédure normale après un décès.
Marie-Claire Jeanprêtre, juriste à l’Asloca Neuchâtel, confirme: «Ces locataires ont fait preuve de naïveté en se fiant à une parole donnée par téléphone.» Après un décès, le contrat de bail ne s’éteint pas automatiquement, mais il passe aux héritiers, qui doivent régler le loyer. Pour le résilier, ils ont deux possibilités.
- Raison extraordinaire – Le Code des obligations prévoit un droit de résiliation anticipée pour raison extraordinaire (art. 266i CO), mais seulement à la fin d’un trimestre (mars, juin, septembre et, selon les cantons, décembre), en respectant le délai légal de trois mois. Le père de Marie-Laure étant décédé au début d’avril, ses enfants auraient donc pu, selon cette règle, résilier le bail à la fin de juin pour la fin de septembre, en payant par conséquent encore cinq mois de loyer après le décès. Dans un tel cas, la gérance n’aurait toutefois pu commencer des travaux de grande ampleur avant la libération des locaux, puisqu’elle facturait en même temps le loyer aux héritiers!
- Résiliation anticipée ordinaire – Pour être libérés de leurs obligations à la fin de juin déjà, les héritiers auraient pu procéder à une résiliation anticipée ordinaire. A condition, toutefois, de joindre au courrier recommandé (lire encadré) les coordonnées d’un repreneur solvable et prêt à occuper l’appartement en l’état et aux mêmes conditions. Le fait que des travaux soient prévus ne change rien à l’obligation, pour les locataires, de trouver un successeur. Si, de son côté, la gérance modifie les conditions du contrat en augmentant le loyer après des rénovations, le candidat potentiel peut alors se désister, sans conséquence pour les héritiers.
Claire Houriet Rime
* Prénom d’emprunt.
CONSEILS PRATIQUES
Ne pas manquer le délai
S’il y a plusieurs héritiers, tous doivent signer la résiliation du bail, à moins d’avoir désigné l’un des leurs pour administrer la succession. Dans ce cas, ce dernier signera seul.
Il faut ensuite veiller à envoyer ce courrier sous pli recommandé, pour des questions de preuve, et de bien respecter les délais en gardant à l’esprit que c’est la date de réception par le bailleur qui fait foi et non celle du timbre postal. A noter qu’un tel courrier posté un vendredi ne parviendra à son destinataire que le lundi, puisque La Poste ne délivre pas les recommandés le samedi.