Les banquiers d’aujourd’hui sont toujours moins disposés à financer les projets locaux émanant de particuliers ou de petites entreprises, par nature souvent risqués et assez peu lucratifs. C’est dans ce contexte que le «crowdfunding» – littéralement le financement collaboratif ou participatif – a vu le jour, au tournant du siècle aux Etats-Unis. On estime qu’il existe actuellement plus de 550 sites dans le monde, qui ont rapporté 1,4 milliard de francs en 2011. Le plus connu, kickstarter.com, annonce 45000 projets réalisés depuis son lancement en 2009 et 697 millions de dollars récoltés. Le modèle commence à faire son trou chez nous, d’abord en Suisse alémanique et plus récemment en terres romandes.
Le principe du «crowdfunding» consiste à lever des fonds auprès de la communauté des internautes afin de réaliser des projets déterminés. Au-delà des œuvres caritatives et du microcrédit solidaire, on distingue deux types de sites: ceux destinés au financement d’entreprises qui rémunèrent les investisseurs en bon argent et les plateformes qui hébergent des projets artistiques ou culturels, des inventions originales, etc. Dans ce dernier cas, le contributeur (appelé «booster») reçoit une contrepartie, plutôt symbolique, qui va d’une dédicace reconnaissante sur la pochette du futur CD à une séance d’initiation avec une luge carvée.
Pas de garantie
Trois plateformes suisses rédigées en français hébergent un large éventail de projets requérant un financement collaboratif, souvent forgés au niveau local: wemakeit.ch, 100-days.net et moboo.ch(voir tableau). Tous les trois fonctionnent sur le principe du «tout ou rien», à savoir que, si un projet n’atteint pas le financement exigé initialement, les contributeurs récupèrent intégralement leurs billes (hormis les frais de paiement, qui vont de 2% à 11%).
De fait, ces plateformes ne sont qu’un intermédiaire, un facilitateur entre l’initiateur du projet et le financeur. En cas de «pépin» – soit le projet prend l’eau ou son auteur quitte le navire avec la caisse –, les sites n’assument aucune responsabilité. Cela dit, les contrôles exercés en amont semblent efficaces, aucun filou n’ayant été signalé à ce jour dans la région. De plus, le pourcentage important de projets portés à terme témoigne de la qualité du suivi.
Penser global, financer local
Première de ces trois plateformes, historiquement et en envergure, wemakeit.ch a été créée en janvier 2012 (mai 2012 en français). Elle revendique 331 projets réalisés à ce jour, grâce à 2,46 millions de francs récoltés. Les domaines plébiscités par les internautes relèvent, dans l’ordre, de la production tant musicale, cinématographique, qu'artistique et la formation. Le site exclut en revanche de son champ d’action les projets personnels, caritatifs et ceux donnant lieu à des rémunérations pécuniaires.
Autre «accélérateur d’idée», la plateforme 100-days.net (février 2012) limite la récolte de fonds à 100 jours, durée qu’elle estime optimale pour voir le projet aboutir. Elle fait partie de la communauté internet Ron Orp, dont la newsletter touche plus de 170000 personnes, ciblant un public plus international. Le contact avec le niveau local est un peu laborieux, comme en témoignent les réponses que nous avons reçues de sa part, rédigées en anglais et délivrées au compte-goutte.
Enfin, le petit dernier (mai 2012), moboo.ch est une plateforme généraliste, exclusivement romande, qui cible le financement des petits entrepreneurs. Elle compense sa taille réduite – cinq projets financés, à ce jour – par l’énergie de son fondateur et unique employé, Michel Grand, qui se targue d’apporter un soutien personnalisé à chaque projet retenu.
Carole Despont
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