Une pénurie importante de logements est l’occasion propice pour augmenter les loyers sans vergogne. Mais bon nombre de bailleurs redoutent de tomber sur un locataire qui osera contester son loyer initial. Ils savent que, dans ce cas, sa démarche judiciaire aura toutes les chances d’être couronnée de succès, tant les prix sont surfaits dans certaines régions. Difficile ensuite de se débarrasser du trouble-fête: le contestataire est protégé contre les congés durant toute la procédure. Et, s’il obtient gain de cause, il ne pourra pas non plus être inquiété au cours des trois années suivant le jugement.
Locataire à l’essai
Des petits malins pensaient avoir trouvé la combine: proposer un contrat qui se termine automatiquement à la date butoir. Le procédé est en soi licite: un bail peut être conclu pour un terme fixe ou se renouveler tacitement. Si sa durée est arrêtée à l’avance, le bailleur peut décider librement, à l’échéance, s’il souhaite poursuivre ou non la relation. Nul besoin de notifier un congé qui a le désavantage d’être annulable s’il est donné en représailles.
Mais le but de la manœuvre est parfois peu glorieux: encourager le locataire à se montrer «docile». S’il conteste son loyer initial ou fait valoir d’autres prétentions légitimes, il court le risque de devoir quitter son appartement à la fin du contrat. Il ne pourra alors pas s’opposer à cette décision unilatérale, aussi choquante soit-elle.
Un arrêt du Tribunal fédéral (TF 4A_598/2018) vient de limiter cette pratique douteuse. Il rappelle que l’abus de droit est interdit. En clair: utiliser des dispositions légales en contradiction avec leur but, afin de contourner volontairement d’autres normes protectrices, est prohibé.
Il appartient normalement au lésé de démontrer qu’il a été victime d’une fraude à la loi. Mission quasiment impossible. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a considéré que l’absence de raisons valables d’un bailleur à proposer systématiquement des locations non reconductibles était, en soi, une preuve d’abus. Dans ce cas, le contrat doit être requalifié en bail de durée indéterminée.
Silvia Diaz