Le 15 décembre 2015, le Conseil fédéral publie un rapport intitulé «Bénéfices et risques liés à l’utilisation du bisphénol A», qui reprend, dans les grandes lignes, les conclusions d’une évaluation de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) publiée un an plus tôt (lire «Bisphénol A: nouvelle polémique» BàS 2/2015).
Sur le fond, les deux institutions ne sont pas en conflit: elles s’entendent parfaitement pour éviter toute décision contraignante à l’endroit de l’industrie chimique et laisser la population s’imprégner de ces substances problématiques.
En revanche, le document suisse est une réponse à un postulat du 11 novembre… 2011! Il aura donc fallu attendre quatre ans pour que, au final, le Conseil fédéral se contente de reprendre les conclusions d’une instance européenne…
D’ailleurs, les sept Sages ne s’en cachent pas et se réfèrent expressément à l’autorité voisine: «Dans son avis, l’EFSA conclut que le BPA contenu dans les denrées alimentaires ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs, car l’exposition actuelle à cette substance chimique est trop faible pour être dangereuse.» Ils nuancent toutefois: «Il est important de souligner que, malgré ces résultats rassurants, de nombreuses études sur les effets à faible dose sont encore menées partout dans le monde.»
Face à cette incertitude, le Département fédéral de l’intérieur a donc décidé d’agir avec mollesse.
➛Il propose d’appliquer, en Suisse, l’interdiction des biberons contenant du BPA déjà en vigueur dans l’Union européenne. Un alignement bien tardif, puisqu’«on ne trouve plus de tels biberons dans le commerce», selon une étude de l’OSAV menée durant l’été de 2014.
➛Dans la révision de son ordonnance sur les jouets prévue cette année, la Suisse entend également s’aligner sur la valeur limite de migration du BPA en vigueur dans l’UE.
➛Et, pour les papiers thermiques, elle va examiner d’éventuelles mesures de protection pour le personnel de la vente.
Par ailleurs, un groupe interdépartemental a été créé pour suivre attentivement ce dossier.
Deux ans de retard!
Mais l’ironie de l’histoire s’est jouée le lendemain du rapport fédéral, soit le 16 décembre, à Luxembourg, lorsque le Tribunal de l’Union européenne condamne la Commission européenne pour son inaction dans le dossier des perturbateurs endocriniens! Le jugement a eu un retentissement incroyable, car c’est la première fois que ladite commission est condamnée pour défaut d’action.
La raison de cette condamnation? N’avoir toujours pas donné une définition claire des perturbateurs endocriniens, pourtant attendue pour la fin de 2013. Ne voyant rien venir, la Suède a déposé plainte en mai 2014. Pour justifier son retard, la commission a alors prétexté la conduite d’une «étude d’impact», afin d’évaluer la charge financière d’une telle réglementation pour l’industrie chimique. Les juges ont balayé cet argument, car «aucune disposition n’exige une telle analyse».
Annick Chevillot