Jeunes, moins jeunes, malades ou accidentés: la physiothérapie s’adresse à tout le monde. Les soins, en revanche, ne sont pas facturés au même tarif selon la caisse auprès de laquelle l’assuré est affilié. La faute à un conflit qui oppose les physiothérapeutes aux assureurs maladie depuis 1998!
La principale pierre d’achoppement se situe au niveau du remboursement des traitements et, plus précisément, de la valeur du point tarifaire. En avril 2014, après des années d’âpres négociations, Tarifsuisse, le principal acheteur de prestations dans l’assurance obligatoire des soins, a finalement concédé une hausse de 8 ct. de ce point aux 8500 membres de l’association professionnelle Physioswiss.
Gabegie dans les tarifs
Le hic, c’est que cet accord ne concerne que les caisses maladie membres de santésuisse qui ne représentent qu’environ 70% des assurés. De leur côté, le groupe CSS et la communauté d’achat HSK (Helsana, Sanitas et CPT) ont refusé cette augmentation. Interpellés, ils assurent ne pas s’opposer à une indemnisation équitable des physiothérapeutes ni à une prise en compte du renchérissement. Toutefois, selon eux «une augmentation de la valeur du point tarifaire de 8 ct. dans chaque canton ne se justifie pas du point de vue de l’économicité».
Néanmoins, ces caisses ont accepté de négocier avec l’Association suisse des physiothérapeutes indépendants (ASPI) qui compte quelque 480 membres. Les discussions ont débouché sur la signature d’un contrat tarifaire qui prévoit une augmentation de 5 ct. de la valeur du point. L’ASPI a également conclu un accord similaire avec Tarifsuisse.
Résultat des courses: pour une même prestation, un physiothérapeute peut être contraint d’appliquer trois tarifs différents! Si le patient est assuré auprès d’une caisse membre de santésuisse, chaque point facturé est augmenté de 8 ct. Le prix de la prestation reste cependant identique à celui de 1998 si ce même patient est affilié à celles des groupes Helsana et CSS ainsi qu’à Sanitas et à la CPT. Sauf si, pour ces caisses-là, le thérapeute a signé le contrat lié au remboursement des prestations de l’ASPI, auquel cas il pourra majorer la valeur du point de 5 ct.
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) reconnaît la complexité de la situation, mais se dit impuissant: «Si les partenaires tarifaires n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la valeur du point, c’est aux cantons de la déterminer.» Mais le Conseil fédéral a le droit de fixer une structure tarifaire valable pour toute la Suisse. Un droit qu’il pourrait bien utiliser si les négociations actuelles pour élaborer une nouvelle convention nationale sur les prestations de physiothérapie ne débouchent sur aucun accord (lire encadré).
Et les assurés?
Quelle est donc la situation des assurés face à cette gabegie tarifaire? «Elle n’a que peu d’incidence sur eux», rassure d’emblée l’OFSP. Le principal effet sur les patients est l’application du tiers garant pour les caisses maladie du groupe CSS, Helsana, Sanitas et CPT (HSK). Le patient doit donc payer la facture et demander, ensuite, le remboursement à son assureur.
Pour Roland Paillex, président de Physioswiss, le risque est de voir émerger une prise en charge des patients à deux vitesses si la situation perdure. Certains d’entre eux pourraient alors être contraints d’attendre plus que d’autres avant de rencontrer leur physiothérapeute. «Aucun cas n’a été signalé à ce jour», précise-t-il toutefois. Ce que confirme également Michel Helfer, président de l’ASPI.
Les membres de HSK et de la CSS réfutent, quant à eux, cette accusation: «Comme les prestations de physiothérapie font partie de l’assurance maladie de base, les patients ont le droit d’être traités de la même manière, peu importe où ils sont assurés.»
Chantal Guyon
Éclairage
Vers une nouvelle structure tarifaire
Les soins de physiothérapie sont facturés sur la base d’une convention-cadre qui définit pour chaque prestation un nombre de points correspondant, identique pour toute la Suisse. La valeur attribuée à chaque point varie cependant selon les cantons (entre 86 ct. et 1.03 fr.).
Plusieurs partenaires ont récemment entamé des négociations en vue d’adopter une nouvelle structure tarifaire. Autour de la table, on retrouve Physioswiss, l’Association suisse des physiothérapeutes indépendants (ASPI), santésuisse, Curafutura – qui regroupe CSS, Helsana, Sanitas et CPT – ainsi que l’Association nationale des hôpitaux, cliniques et institutions de soins publics et privés H+. En attendant un éventuel accord, la structure tarifaire mise en place en 1998 s’applique toujours. Elle avait été dénoncée en 2011 par Physioswiss avant d’être réhabilitée en février dernier.