Appliquer quotidiennement du déodorant sous ses aisselles ne constitue pas un geste anodin. Ces produits contiennent souvent des substances qui peuvent conduire à la formation de boutons ou de fissures cutanées douloureuses. Ces eczémas apparaissent au contact d’un ou de plusieurs parfums allergènes. Les personnes sensibles peuvent même souffrir de maux de tête ou de malaises lorsqu’elles sont exposées à certains de ces composés, détaille l’Office fédéral allemand de l’environnement. L’utilisation de parfums n’est pourtant pas nécessaire à garantir l’efficacité des déodorants. Ils n’ont pas d’effet soignant ou même lavant.
Notre rédaction, en collaboration avec l’émission alémanique 0, a fait analyser douze déodorants sous forme de spray. Les experts ont cherché la présence de 54 substances qui, selon le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’Union européenne (UE), ont un effet allergène démontré.
Jusqu’à 15 substances problématiques
Résultat: les trois-quarts des déodorants testés contiennent de telles substances. Lanterne rouge du test, le spray Borotalco renferme par moins de quinze composés problématiques. Parmi eux figurent la coumarine, qui apporte une senteur de foin et d’herbes aromatiques, et le géraniol, qui rappelle la rose. Selon des essais cliniques, ces fragrances provoquent souvent des allergies. On retrouve aussi du linalool et du limonène, deux substances qui s’oxydent au contact de l’air et ont un effet néfaste pour la peau.
Outre le spray Borotalco, les déodorants des marques Lavera, Rexona et Axe ont été jugés «insatisfaisant». Ils contiennent huit parfums allergènes ou plus, de même que des quantités élevées de substances polluantes.
En tête du tableau, les marques maison de Migros et de Denner prouvent qu’il est possible de fabriquer des déodorants avec nettement moins d’agents problématiques. Les produits pH Balance, Isana et M-Budget contiennent chacun deux parfums allergènes, toutefois peu irritants. Vendus moins de 1 fr. les 100 ml, les déodorants Isana et M-Budget font partie des moins chers du test. En comparaison, le produit Lavera est douze fois plus onéreux et obtient une note «insatisfaisant».
Néfaste pour l’environnement
Légalement, seules 26 substances allergènes doivent être déclarées sur les étiquettes. Les fabricants regroupent généralement les autres composés sous l’appellation «parfum» ou «fragrance». Problème: en 2012, des spécialistes ont identifié plus d’une centaine de parfums allergènes supplémentaires. Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’UE exige, depuis lors, que la liste des parfums à déclarer soit élargie. Sans succès jusqu’ici.
Notons que ces composés problématiques ont également un impact sur l’environnement puisqu’ils s’écoulent avec les eaux usées au moment de la douche. Six des déodorants de l’échantillon contiennent des tétramethyl-acetyloctahydronaphthalenes. Ces fragrances à l’odeur boisée et fleurie ne doivent pas obligatoirement figurer sur les étiquettes. Toutefois, selon la banque de données des produits chimiques de l’UE et des Etats-Unis, ils sont toxiques pour les organismes aquatiques. Une étude récapitulative de l’Office fédéral allemand de l’environnement a, en outre, montré en 2019 que les stations d’épuration ne sont pas capables de les retirer entièrement des eaux. C’est le cas aussi pour l’hexyl cinnamal, le benzyl salicylate et le limonène. Fréquemment utilisé, ce dernier donne aux cosmétiques une odeur de propreté.
Réaction des fabricants
En réponse à notre test, Migros écrit que l’Agence européenne pour les produits chimiques pourrait élargir le devoir de déclaration des substances allergènes en juillet 2023. Le géant orange précise que la composition du spray I am Invisible Anti-Transpirant sera adaptée prochainement. Lavera souligne que aucune des substances détectées dans son produit n’est d’origine synthétique. Selon Beiersdorf, le groupe qui détient la marque Nivea, les composés problématiques ne sont présents que en quantités diluées, limitant ainsi les risques. Unilever, fabricant des déodorants Axe et Rexona, indique se tenir au devoir de déclaration pour les substances allergènes.
Andreas Schildknecht / sp
Les critères du test
Le Laboratoire Eurofins à Hambourg (All.), spécialiste des cosmétiques, a testé pour Bon à Savoir et Kassensturz douze sprays déodorants. Les experts ont cherché la présence de 54 composés problématiques. Parmi eux: des fragrances allergisantes, des composés de muscs polycycliques et du diétylphtalate (DEP). Ce plastifiant perturbateur endocrinien n’a été détecté nulle part. Le laboratoire a, en revanche, trouvé des composés de muscs polycycliques dans un des déodorants. Ces substances de synthèse sont toxiques pour les organismes aquatiques et peuvent s’accumuler dans le corps et l’environnement. Des parfums allergènes ont été retrouvés dans tous les produits. Ils ont été comptabilisés à partir d’une quantité de 10 mg/kg. Selon le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’Union européenne, les concentrations inférieures sont sûres.
Les sels d’aluminium réhabilités
Cinq des déodorants de notre test contiennent des sels d’aluminium, utilisés pour leur effet anti-transpirant. Leur présence a longtemps été critiquée en raison de potentiels dangers pour le système nerveux. On ignorait cependant en quelle quantité ils pénétraient dans le corps. En 2019, plusieurs études de l’Institut de recherches néerlandais TNO ont levé le voile sur la question. Des femmes ont appliqué de l’anti-transpirant et une solution d’aluminium radioactive sur leur peau rasée pendant deux semaines. Les scientifiques ont, par la suite, examiné leurs urines et leurs selles. Résultat: les quantités d’aluminium pénétrant dans le corps par la peau rasée sont infimes. Les recherches ont porté sur des déodorants à bille. En ce qui concerne les sprays, l’Office fédéral allemand d’évaluation des risques conseille de veiller à ne pas respirer le produit lors de la vaporisation.