Il est 16 h, l’école est finie, quatre enfants chantent à l’arrière lors que, soudainement, le conducteur donne un coup de frein. Lancé à 50 km/h, le bus scolaire décélère et finit sa course à 35 km/h contre un mur. Bilan: les deux enfants assis sur une banquette latérale sont grièvement blessés, alors que leurs camarades sur des sièges individuels s’en sortent avec quelques contusions seulement.
Quatre variantes à l’épreuve
Imaginé par le TCS et CarPostal, ce scénario a été reproduit sous la forme d’un crash-test le 25 juin au Dynamic Test Center (DTC), à Vauffelin (BE). Les résultats ne laissent planer aucun doute: en cas de choc, les banquettes latérales des bus scolaires offrent une sécurité lacunaire. Pas de quoi préférer la voiture privée pour autant, sachant que les bus scolaires sont nettement plus sûrs à tous points de vue (lire encadré page suivante). Et, comme la législation s’est resserrée depuis 2008, ce genre d’assises tend à disparaître (lire encadré ci-contre).
Malgré l’évolution des exigences légales, les véhicules scolaires n’ont actuellement pas tous la même configuration ni le même équipement sécuritaire. C’est pour cette raison que le Fiat Ducato, sacrifié pour les besoins du crash-test, disposait de différents types de sièges et de dispositifs d’attachement pour accueillir quatre mannequins.
Sécurité très variable
Deux passagers virtuels – de la corpulence d’un enfant de 6 ans – occupaient des sièges individuels orientés face à la route. Alors que l’un était simplement retenu par une ceinture à trois points, l’autre disposait, en plus, d’un siège pour enfant de dimension réduite. Les deux derniers mannequins étaient assis sur une banquette longitudinale; le plus petit (6 ans) était retenu par une ceinture abdominale (à deux points), alors que son compagnon (12 ans) n’était pas attaché du tout.
C’est ce dernier (2 sur la photo ci-contre) qui a d’ailleurs réservé la première surprise: sans ceinture, il s’en est mieux sorti que son voisin, même si ses blessures ont été jugées graves. Projeté vers l’avant de l’habitacle, il a percuté violemment le siège du conducteur et le montant latéral du véhicule. Au niveau du cou, du thorax, du bassin et de la tête, les limites biomécaniques ont été dépassées. En situation réelle, on peut supposer que d’autres obstacles auraient même pu s’avérer fatals.
La seconde surprise, c’est l’inefficacité, voire la dangerosité de la ceinture abdominale sur le banc latéral. Sous le poids du mannequin 1, l’enrouleur a cédé et la ceinture s’est détendue. C’est ainsi que sa tête a lourdement heurté le sol, alors que le bassin et le thorax ont subi une forte décélération. Verdict: avec la ceinture ventrale (ou abdominale), l’enfant aurait probablement succombé à ses blessures.
Les deux mannequins installés individuellement dans le sens de la route étaient autrement mieux lotis. Pour celui qui disposait d’un siège pour enfant 3, les relevés ont démontré qu’aucune partie du corps n’avait enduré de forces biomécaniques inquiétantes. Seules de très légères blessures ont été constatées au cou et à la tête. Son compagnon sécurisé par une ceinture à trois points sur une assise standard 4, n’a pas davantage souffert du choc.
Banquettes pointées du doigt
Pour le TCS, ces résultats mettent suffisamment en exergue la dangerosité des banquettes longitudinales pour que la législation soit durcie: «Au vu des risques encourus, nous demandons que ces sièges soient interdits. Maintenant qu’on sait que leur sécurité n’est pas optimale, les autorités se doivent de réagir. On ne peut pas accepter de transporter des enfants dans des conditions identifiées comme dangereuses», argue son porte-parole, Moreno Volpi.
Les bus scolaires avec banquettes latérales qui sont encore en circulation en Suisse ne peuvent pas être quantifiés. Le TCS estime néanmoins qu’ils sont peu nombreux, sachant que la loi n’autorise plus leur immatriculation depuis le 1er janvier 2008. «Avec la législation actuelle, on compte sur le temps qui passe pour que ces bus disparaissent progressivement de la circulation. A nos yeux, ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire d’intervenir préventivement en les prohibant», insiste Moreno Volpi.
L’interdiction pure et simple des bus à banquettes latérales aurait un coût important pour les communes ou les particuliers qui les exploitent. Le TCS l’admet, tout en soulignant que ces véhicules sont probablement amortis, puis qu’ils ont tous cinq ans ou plus. Et même si le nombre de victimes d’accidents de bus scolaires reste faible – 22 blessés et deux morts – en l’espace de vingt ans, le TCS reste convaincu que la sécurité des enfants ne doit faire l’objet d’aucun compromis.
Yves-Noël Grin
EN DÉTAIL
Une législation qui s’adapte à l’âge des véhicules
L’accident de bus scolaire survenu à Salins (VS), en 2004, a indéniablement modifié l’approche sécuritaire du transport des écoliers. Mais ce n’est qu’en 2008 que les banquettes longitudinales ont été interdites. Les véhicules immatriculés avant 2006 ont néanmoins pu conserver leurs bancs latéraux; mais, depuis le 1er janvier 2010, ils doivent tous être équipés de ceintures de sécurité. Et, dans les bus scolaires mis en circulation à partir du 1er août dernier, les sièges de dimensions réduites ne sont autorisés que s’ils répondent à une norme européenne spécifique. En bref, les exigences dépendent de la date d’immatriculation des véhicules.
En termes de responsabilité, l’ordonnance sur la circulation routière du 1er avril 2010 stipule que les conducteurs doivent s’assurer que les passagers de moins de 12 ans sont correctement attachés. Mais, à l’instar de toutes les dispositions légales précitées, seul le transport privé est concerné. Dès qu’il s’agit de lignes publiques, ces prescriptions tombent, à l’image du port de la ceinture qui reste facultatif.
«Ce serait financièrement et logistiquement irréalisable d’imposer la ceinture dans les transports publics, estime Moreno Volpi, porte-parole du TCS. Mais il est vrai que la question est légitime pour les bus publics qui transportent des enfants sur une autoroute ou sur des routes de montagne. Raison pour laquelle le TCS recommande de toujours s’attacher lorsqu’un dispositif le permet.»
ÉCLAIRAGE
Les accidents mortels sont extrêmement rares
Ce crash-test a démontré le niveau de sécurité insuffisant des banquettes latérales. Mais les statistiques révèlent aussi que les accidents de bus scolaires ont rarement des conséquences dramatiques: entre 1992 et 2011, ils ont causé la mort de deux écoliers.
Toute victime est une victime de trop. Mais, par rapport aux 525 enfants qui ont trouvé la mort dans un accident de la route au cours de la même période, les risques encourus dans les bus scolaires sont très faibles. Idem pour les blessés graves (0 à 14 ans) en l’espace de vingt ans: 22 dans les bus scolaires sur une totalité de 9508 cas dans les accidents de la route.
Les plus pragmatiques s’interrogeront donc sur la pertinence d’interdire les banquettes latérales, sachant que la législation va les faire disparaître progressivement. «On ne peut pas accepter de transporter des enfants dans des conditions qui ne sont pas optimales. Il est vrai que les cas dramatiques ont été rares au cours des vingt dernières années. Mais il suffirait d’un accident pour chambouler les statistiques», rétorque Moreno Volpi, porte-parole du TCS.
Quoi qu’il en soit, les chiffres prouvent que le transport scolaire reste globalement sûr. S’il est toujours possible de faire pression sur les communes qui exploitent d’anciens véhicules de les rem placer par des plus récents, il faut surtout savoir qu’il est totalement absurde de préférer emmener son enfant en voiture privée pour des raisons de sécurité. D’autant que le bal des autos devant les écoles est un danger avéré pour les enfants.