Myriam Müller venait de souffler 35 bougies quand elle a subi, en janvier 2005, une ablation partielle du sein gauche. «Il ne restait qu’un moignon et je me sentais mutilée.» Notre lectrice tient à témoigner de son combat juridique pour être remboursée par l’assurance maladie: «J’aimerais que les femmes qui passent par là connaissent leurs droits.»
En 2010, la maladie est vaincue et la patiente trouve la force de repasser sur la table d’opération pour la pose d’un implant. Le médecin corrige aussi le sein droit par souci de symétrie (lire encadré). Le résultat est malheureusement catastrophique. Rétractation de l'implant, réaction inflammatoire, volume des seins inégal: la poitrine est encore difforme.
En 2012, un autre chirurgien propose de réparer les dégâts en recourant à une nouvelle technique, le lipofilling. Elle consiste à prélever de la graisse sur le corps de la patiente pour la réinjecter dans le sein traité. Il faudra encore intervenir à droite pour parvenir à un résultat harmonieux.
Technique contestée
Mais les progrès de la médecine vont plus vite que les lois. Intras, du groupe CSS, refuse de rembourser l’opération. «La greffe de graisse n’est pas une technique suffisamment validée pour être prise en charge. Quant à la correction du côté droit, il s’agit d’un traitement esthétique. Or, l’assurance maladie ne va pas jusqu’à la correction de la silhouette.» L’assureur soupçonne, en d’autres mots, l’assurée de se faire refaire la poitrine à bon compte. Myriam Müller s’en remet alors à sa protection juridique qui fait opposition, arguant que le lipofilling est devenu une pratique courante. L’opération du sein droit est, en outre, indispensable pour corriger une asymétrie flagrante. Et c’est la victoire d’étape: Intras accepte, en 2012, de rembourser l’intervention à droite. Elle n’entre cependant pas en matière pour le remodelage à gauche, au motif que les prestations de l’assurance maladie doivent être «efficaces, appropriées et économiques». Or, la greffe de graisse n’est pas une technique établie, d’autant que la patiente est en «quête de perfection», martèle l’assureur.
Cette dernière ne s’avoue pas vaincue et fait recours. «Le médecin-conseil mandaté par l’assurance maladie n’est pas un spécialiste, fait notamment valoir Flore Primault, avocate à Lausanne. Intras s’est en outre discréditée en refusant d’abord de rembourser l’intervention sur le côté droit, en violation de la jurisprudence.»
Prise en charge totale
L’opération a lieu en 2013. En juillet 2014, le Tribunal cantonal fribourgeois renvoie l’assureur à sa copie et lui intime d’en référer à un véritable expert. La réponse tombe en février 2016 seulement: l’intervention sera intégralement prise en charge. «En l’absence d’indications légales claires, chaque cas sera désormais examiné pour déterminer la pertinence du lipofilling», explique Nina Mayer, porte-parole du groupe CSS, en insistant sur l’importance de consulter son assureur avant l’intervention.
Myriam Müller a, de son côté, retrouvé la sérénité. «On n’oublie jamais un cancer. Mais je n’y pense plus forcément chaque jour.»
Claire Houriet Rime
Marathon judiciaire
Retrouver une apparence normale
Le cancer du sein frappe chaque jour quinze femmes en Suisse, soit 5500 par an. L’ablation totale du sein malade devient toujours plus rare, mais l’intervention reste lourde sur le plan esthétique, sans parler de l’impact psychologique. Or, pour les patientes, la jurisprudence en matière de remboursement reste très restrictive. Il a ainsi fallu attendre 2011 pour que le remboursement d’un implant mammaire soit aussi garanti aux femmes ayant subi une ablation partielle.
En 2012, le Tribunal fédéral a estimé qu’il fallait rembourser l’intervention sur le sein intact pour obtenir une poitrine harmonieuse même si l’organe traité n’est, a priori, pas malade. Une opération nécessaire quand le deuxième sein diffère beaucoup du côté reconstruit. La poitrine doit être considérée dans son ensemble: au-delà de toute considération esthétique, elle doit être équilibrée. Le jugement rendu par la justice fribourgeoise en faveur de notre lectrice est une nouvelle victoire d’étape.