Si le martyre (le mot n'est pas trop faible) d'Alep n'a engendré de faibles réactions politiques que tout récemment, les réseaux sociaux pullulent d'informations censées alerter et conscientiser la population. Malheureusement, elles sont souvent peu fiables. Deux exemples récents le démontrent une fois encore.
Photos détournées
La 13 décembre dernier, l'ambassadeur de Syrie à l'ONU Bashar Jaafari riposte aux accusations de violence envers les civils par les forces armées de Bashar Al Assad en brandissant devant le Conseil de sécurité une photographie d'une femme descendant d'une remorque grâce à un soldat qui lui offre son dos comme marche-pied: «Voilà ce que fait l'armée syrienne à Alep» déclare-t-il comme une preuve (voir vidéo). Preuve largement reprise dans les réseaux par les partisans du régime officiel.
Sauf que, comme le relève le site BuzzFeed, il ne s'agit pas d'un soldat à Alep, mais d'un milicien des Forces de mobilisation populaire irakienne et que la photo a été prise en Irak au mois de juin.
Mais la désinformation n’est pas l’exclusivité d’un seul camp. En effet, le même jour (le message a été supprimé depuis), sur Twitter et sous #Save–Aleppo, on découvrait une image bouleversante avec la légende (traduite de l'anglais): «Fillette courant pour survivre alors que toute sa famille a été tuée. Ce n'est pas Hollywood. C'est la réalité en Syrie».
Sauf que cette photo n'a pas été prise récemment en Syrie. Elle est tirée du tournage d’un clip de la chanteuse libanaise Hiba Tawaji en 2014, comme en témoignent plusieurs articles de l'époque parlant de cette chanson. D'ailleurs, la fillette apparaît dans le clip en question.
Vérification essentielle
Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il ne se commet pas d'atrocités à Alep, ni que l'armée de Basshar Al Assad n'a pas parfois été accueillie avec joie. Mais cela confirme qu'il ne faut jamais prendre pour argent comptant une information qui n'a pas été clairement vérifiée. Pour une photographie, il est, notamment, possible d'utiliser Google Images. Ainsi, en passant par «recherche par image» (cliquer sur le petit appareil de photos) et en y glissant celle brandie par l'ambassadeur syrien, on s'aperçoit en une fraction de secondes qu'elle a été utilisée sur de nombreux sites d'information arabes au début du mois de juin 2016.
Par ailleurs, Facebook a annoncé la semaine dernière qu'il teste actuellement une nouvelle commande permettant aux internautes d'émettre leur doute sur la véracité d'une information. Le réseau social s'appuiera alors sur «d'autres signaux» (sans préciser lesquels) pour soumettre l'article ou le message à des sites reconnus pour leur travail de vérification de l'information. S'il se révèle que l'article contient des informations erronées, il sera signalé comme contesté*.
Christian Chevrolet
* Pour plus d'infos, lire l'article du Monde.