Il n’a fallu que quelques clics à Léo*, 15 ans, et la carte de crédit de sa maman Irène* pour acheter un baladeur dernier cri sur un site internet. Le bonheur! Sauf que cette dernière n’avait pas donné son accord et qu’elle ne décolère pas depuis qu’elle a reçu le décompte mensuel de sa carte. Mais que peut-elle faire?
Dans un premier temps, Irène a songé à contacter la société émettrice de sa carte de crédit pour contester le paiement en invoquant une utilisation frauduleuse. «Le succès d’une telle démarche dépend des conditions générales d’utilisation (CGU) édictées par la société de cartes de crédit. En général, ces dernières stipulent que le titulaire de la carte doit assumer les paiements effectués au sein de sa famille», explique Michel Jaccard, avocat spécialiste des nouvelles technologies.
Des propos confirmés notamment par UBS. Le point 5.1 des CGU de leurs cartes de crédit VISA explique ainsi qu’«en cas de contestation effectuée dans les délais, UBS assume (…) les dommages résultant d’une utilisation frauduleuse par des tiers». La suite du texte précise cependant que «les personnes employées au sein de l’entreprise, le conjoint et les personnes vivant dans le même ménage ne sont pas considérés comme des tiers». Ce n’est donc pas de ce côté-là qu’Irène trouvera son salut. Le droit suisse est par contre plus encourageant.
Le droit à la rescousse
Selon le Code civil (art. 19), les mineurs ne peuvent pas conclure de contrat de vente sans autorisation parentale, sauf s’ils utilisent leur argent de poche ou leur propre salaire pour financer leur acquisition, ou si leurs parents donnent leur accord a posteriori et «ratifient» ainsi le contrat de vente. Ce principe vaut aussi pour la toile. C’est pourquoi «tout vendeur sur le net est censé vérifier l’âge de l’acheteur. S’il ne le fait pas, on peut le lui reprocher et contester la validité du contrat conclu avec un mineur», précise Michel Jaccard. Dans un tel cas, les parents doivent se manifester le plus rapidement possible en contactant directement le marchand. Il faut préciser encore que si le mineur a délibérément menti sur son âge, notamment en se faisant passer pour majeur lors de la commande passée en ligne, il peut être tenu d’indemniser le vendeur pour les frais occasionnés par l’annulation de la vente.
Pas simple en pratique
Si le marchand est basé en Suisse et s’il se montre coopératif, le problème aura toutes les chances d’être résolu rapidement. Vous lui retournerez l’objet et il vous remboursera.
Mais la situation n’est évidemment pas toujours aussi simple. Le vendeur peut faire preuve de mauvaise volonté et mettre par exemple en avant une clause de non-responsabilité prévue dans ses conditions générales de vente en cas d’achats par des mineurs. «Cela ne suffirait sans doute pas devant un tribunal», tempère toutefois Michel Jaccard. Mais voudra-t-on vraiment porter l’affaire devant la justice si le montant en jeu est peu important?
La situation se corse aussi lorsque le vendeur se trouve à l’étranger, car le cas est régi par la loi de son pays. Pourtant, même si les conditions générales du marchand précisent que les différends seront réglés dans son pays, le principe de protection du consommateur l’emporte. Il est donc possible de demander à un tribunal suisse de se prononcer sur une vente conclue via un site situé à l’étranger.
Montrer que l’on connaît ses droits
«Malheureusement, la mise en œuvre du procès va sans doute compliquer notablement l’affaire», estime Michel Jaccard, car «le tribunal devra contacter la société à l’étranger et celle-ci mettra peut-être beaucoup de mauvaise volonté à répondre». Autrement dit: il faut bien réfléchir avant de recourir à la voie judiciaire, surtout lorsque le vendeur est basé à l’étranger et que la somme en jeu est faible.
Le plus judicieux est donc d’adresser un courrier au commerçant en ligne en lui faisant bien comprendre que l’on connaît ses droits et que l’on recherche une solution. Si l’on fait preuve de fermeté, «de nombreuses sociétés estimeront sans doute que leur réputation pourrait être mise en cause et considéreront qu’il est dans leur intérêt de se montrer arrangeantes», conclut Michel Jaccard.
Sébastien Sautebin
* Prénoms fictifs