Engager une femme de ménage ou une baby-sitter au noir est pratique courante. Par méconnaissance ou par crainte, les employés et employeurs domestiques ponctuels rechignent en effet souvent à déclarer ce travail. Ils échappent ainsi au paiement de toute cotisation d’assurances sociales (AVS/AI, assurance chômage, assurance accidents et, selon l’importance du revenu ou du taux d’activité, le 2e pilier et l’assurance accidents non professionnels).
Pour se justifier, de part et d’autre, les arguments ne manquent pas: procédure complexe ou frais plus élevés pour les employeurs, paiement d’impôts ou risque d’être repérés par la police des étrangers pour les employés (lire encadré).
Or, ce travail au noir peut coûter cher à l’employeur, qui risque:
> une amende de l’AVS;
> le paiement rétroactif des assurances sociales (parts patronales et salariales) jusqu’à cinq ans avec les intérêts moratoires; et,
> en cas d’accident, la prise en charge des frais de guérison.
Les cantons du Valais puis de Genève ont trouvé la parade à ces pratiques illégales en lançant les chèques-emploi. La formule s’est bien implantée. Elle permet en effet aux employeurs et aux employés domestiques (femmes de ménage, gardes d’enfants, jardiniers occasionnels, etc.) d’être en règle tout en déchargeant les premiers des tâches administratives. Adopté depuis peu par les cantons de Neuchâtel et de Vaud, le système devrait s’implanter dans les mois à venir dans les cantons de Fribourg et du Jura.
Exemple concret
Le cas de Maria R.*, qui travaille comme femme de ménage chez la Vaudoise Patricia R.*, illustre bien le principe. Après l’avoir employée au noir pendant des années, Patricia lui propose de la déclarer. Maria se montre d’abord réticente. «Ce n’est qu’après quelques mois de réflexion qu’elle a accepté. Je me suis donc inscrite auprès de Chèques-emploi qui, depuis, s’occupe de toutes les démarches et calcule le décompte mensuel des charges. Pour ma part, je continue à lui payer son salaire horaire. En fin de mois, Maria signe le chèque-emploi qui récapitule le nombre d’heures travaillées et l’organisme assume ensuite toute la gestion administrative.
»En revanche, poursuit Patricia, pour compenser la charge financière supplémentaire (environ 15% du salaire), j’ai dû me résoudre à réduire ses heures hebdomadaires… Mais, au moins, je suis en règle et Maria est assurée!» Ce qui ne va pas sans déplaire à cette dernière: «J’ai fini par accepter en pensant à mes vieux jours et j’ai bien fait. Je ne pouvais plus continuer à vivre comme ça, au jour le jour…»
Coût variable
L’employeur qui souscrit aux chèques-emploi continue donc de payer son jardinier occasionnel ou sa femme de ménage au salaire horaire convenu. Parallèlement, selon la formule choisie et selon le canton, il verse un acompte à l’organisme en charge des chèques-emploi (voir tableau ci-contre), qui déduit de ce montant les charges sociales en faisant un décompte précis. Ce service a bien sûr un coût, variable selon les régions.
Autre système, pratiqué dans les cantons de Neuchâtel et du Valais par exemple: l’employeur verse le salaire et les acomptes à l’organisme qui paie l’employé et les charges sociales dues. Cet intermédiaire, par exemple l’EPER (l’Entraide protestante) dans le canton de Vaud, effectue également toutes les démarches administratives telles que notamment la déclaration du travailleur auprès de la caisse de compensation AVS.
Enfin, autre solution pour les employeurs désirant se mettre en règle: effectuer eux-mêmes l’ensemble des démarches. Mais cela nécessite – du moins au départ – un certain investissement en temps.
Zeynep Ersan Berdoz
* Noms connus de la rédaction.
travail au noir
Loi en préparation
Quelle que soit sa situation de séjour, chaque employé doit être assuré (lire texte principal) et cela vaut aussi pour les travailleurs clandestins. Par crainte ou par méconnaissance de leurs droits, ces derniers ne bénéficient la plupart du temps d’aucune couverture sociale. Or, à l’heure actuelle, les bases de données des différents services (par exemple entre la caisse de compensation AVS et la police des étrangers) sont imperméables. Il est donc possible de travailler et de cotiser à l’AVS, entre autres, sans que la police des étrangers en soit avertie.
Cette situation pourrait changer avec l’introduction de la nouvelle loi sur le travail au noir, attendue aux alentours de 2007, qui imposera «la mise en réseau des données administratives». Les travailleurs étrangers qui pourront alors bénéficier d’un permis de travail seront gagnants, les autres perdront leurs acquis sociaux…