L’idée part d’un bon principe: déculpabiliser les passagers en leur permettant de compenser les émissions de CO2, par le biais d’un supplément lors de chaque vol, calculé au prorata des kilomètres parcourus, et donc de la pollution émise. L’argent est ensuite investi dans des projets, en Suisse ou ailleurs, qui permettent – nous dit-on – de diminuer d’autant le volume de CO2 produit dans le monde. Voilà pour la théorie.
En pratique, non seulement la contribution – volontaire – reste le lot d’une toute petite minorité, mais on se demande comment les sommes ridicules versées par l’intermédiaire des compagnies d’aviation pourraient modifier le bilan carbone de la planète… Ainsi, pour un aller simple Genève-Barcelone (638 km à vol de Jumbo), easyJet, calculait, jusque récemment, qu’une contribution de 1.75 fr. suffisait à contrebalancer ses émissions polluantes: la moitié du prix d’une ampoule économique…
Obligation européenne
EasyJet calculait car, depuis le 22 novembre, le géant du low cost a supprimé cette possibilité dans la plus grande discrétion. Il est vrai que, à partir du 1er janvier 2012, toutes les compagnies desservant des aéroports européens devront s’acquitter d’une taxe équivalant à 15% de leurs émissions de CO2.
C’est une première, l’aviation ayant été épargnée dans la lutte contre le réchauffement climatique jusque-là. Il lui en coûtera 380 millions de francs pour 2012, dont 16 millions à la charge d’easyJet, selon ses propres estimations. La compagnie promet qu’elle ne répercutera pas la taxe sur le prix des billets.
Le volontariat subsiste
La compensation volontaire continue, en revanche, d’être pratiquée par la plupart des autres compagnies. Mais, étrangement, le prix du kilo de CO2 diffère pour chacune d’elles. Toujours pour un vol Genève-Barcelone, Airfrance se contente de 2.50 fr. Plus conséquent, le calculateur en ligne de l’Aéroport international de Genève (AIG) – auquel renvoient Swiss, KLM, etc. – fixe la surtaxe à 5 fr. en classe économique, mais à 10 fr. en première. Cela peut monter jusqu’à 39 fr. si on choisit de financer pour moitié un projet suisse. Il faut toutefois de très longues distances pour que la taxe cesse d’être symbolique: entre 95 fr. et 350 fr. pour l’aller-retour Genève-Punta Cana (14700 km) en classe éco, par exemple.
Deux poids, deux balances
Les compagnies n’ont pas, non plus, les mêmes balances à CO2. A en croire easyJet, le passager pour Barcelone ne rejetterait que 79 kg. L’avionneur justifie cette sobriété notamment par le taux de remplissage élevé de ses avions et une flotte à la pointe de la technologie. Airfrance penche, elle, pour 97 kg et l’AIG (myclimate) pour 168 kg. Pour les vacances en République dominicaine, compter tout de même entre 3 et 9,4 tonnes!
On peine, dès lors, à prendre ces différents chiffres au sérieux. De nombreux doutes subsistent, en plus, sur l’efficacité et la pertinence des projets financés à l’étranger, voire sur leur existence même, dans certains cas. Or, ceux-ci sont les plus recherchés par les compagnies aériennes, vu que le prix à payer pour une tonne de CO2 y est infiniment moins cher qu’en Suisse. «C’est souvent au niveau du contrôle que le bât blesse», explique Olivier Brüggimann, représentant de myclimate en Suisse romande. Certes, des labels existent, mais il y a, dans ce domaine également, autant à boire qu’à manger.
En fin de compte, la compensation volontaire des émissions de CO2 n'est pas la panacée, concède Olivier Brüggimann. Tout en défendant le mécanisme, il y voit plutôt une phase transitoire. L’objectif, à terme, étant de réduire le CO2 à la source par la sensibilisation et la mise à niveau des technologies.