Depuis novembre dernier, les recommandés ne sont plus distribués à l’étage. Les habitants des immeubles sans interphone trouvent un avis de retrait dans la boîte aux lettres et doivent se déplacer à l’Office de poste. Une mesure justifiée, selon l’ex-régie fédérale, par l’absence de plus en plus fréquente des destinataires à l’heure de la distribution. Les colis, eux, ne sont a priori pas touchés par cette directive. Pourtant, de nombreux lecteurs de Bon à Savoir nous contactent régulièrement pour signaler que les paquets subissent le même sort. Qu’en est-il réellement?
Terminé en zone rurale
Au printemps dernier, La Poste nous expliquait que la pratique dépend du lieu de domicile (lire «Les colis montent toujours à l’étage, mais…», BàS 6/2015). Dans les zones urbaines, les tournées «lettres» et «colis» sont assurées par des personnes distinctes. Dans ce contexte, le facteur qui livre les paquets continue de grimper à l’étage. Mais, si l’immeuble est équipé d’un interphone, il peut aussi sonner et demander au destinataire de descendre. Dans les zones rurales, en revanche, c’est la même personne qui se charge de la distribution des lettres et des paquets. Et elle ne monte plus jusqu’à la porte du domicile. «Mais il y a peu d’appartements à l’étage en zone rurale», estime Nathalie Dérobert Felley, porte-parole de La Poste.
Le hic? En juin dernier, le Service clientèle du géant jaune a donné une tout autre réponse à une lectrice de Lausanne. «Le facteur n’est pas obligé de monter. Le volume des colis a tellement augmenté, spécialement dans les grandes zones urbaines, qu’il est juste impossible, pour le personnel, de les délivrer tous à l’étage», lui explique une collaboratrice. Contradiction flagrante? Selon l’entreprise, pas du tout! «En fait, La Poste n’a pas l’obligation de délivrer les envois à l’étage. Comme l’indiquent nos conditions générales, le lieu de distribution officiel est l’entrée de la maison, glisse son porte-parole, Oliver Flüeler. Mais le facteur continue de monter, normalement». Tout est donc dans cette dernière nuance: il est impossible de se retourner contre La Poste quand son personnel ne grimpe pas l’escalier.
Tu montes? C’est 3 fr.!
Il existe, toutefois, un moyen de faire arriver un colis sur le pas de la porte à coup sûr, comme l’a suggéré le Service clientèle de La Poste à notre lectrice: demander à l’expéditeur de payer un supplément. Ce dernier peut, en effet, opter pour la prestation «Distribuer l’envoi au destinataire directement à l’étage». Destinée aux entreprises, cette option coûte 3 fr. La question reste de savoir s’il est vraiment utile de la payer, puisque le géant jaune continue de prétendre que les facteurs montent à l’étage… normalement.
Vincent Cherpillod
Eclairage
Les facteurs subissent le stress du chronomètre
Quel pourcentage de colis fait réellement l’objet d’une tentative de distribution à l’étage? Les syndicats qui représentent les employés de La Poste ne donnent pas de chiffres précis: «Cela peut varier très fortement selon les quartiers et les saisons. Mais il est certain que le personnel ne dispose pas du temps nécessaire pour distribuer à l’étage le 100% des colis en zone urbaine», avance Yves Sancey, porte-parole de Syndicom. Président du Syndicat autonome des postiers (SAP), Olivier Cottagnoud invoque, lui aussi, le stress du chronomètre: «Si ses collègues ne montent pas à l’étage et terminent plus rapidement leur tournée, le facteur qui veut faire correctement son travail, lui, prendra plus de temps. On va lui dire d’accélérer le rythme pour se rapprocher de ses collègues plus rapides.»
Selon lui, il arrive régulièrement que des employés doivent ramener des colis qu’ils n’ont pas eu le temps de distribuer, car ils ont l’interdiction de dépasser les 10 heures de travail. Dès lors, la tentation de laisser un paquet dans l’entrée de l’immeuble ou au-dessus des boîtes aux lettres est forte. D’autant plus que, selon le président du SAP, le facteur qui glisse trop d’avis de retrait dans les boîtes sera également mal noté par ses supérieurs.
«En somme, quand le volume des lettres baisse, La Poste crie à la catastrophe et ferme des offices postaux. Et, lorsque le volume augmente, comme pour les colis ces dernières années avec l’essor du commerce en ligne, elle pleure en disant qu’elle n’a plus les moyens de faire de la qualité. C’est de la mauvaise foi», déplore Olivier Cottagnoud.