Le financement participatif, ou crowdfunding, a fait un bond impressionnant dans notre pays, ces dernières années. Entre 2016 et 2019, il a permis de lever 1,49 milliard de francs, dont 597 millions rien qu’en 2019, révèle le Crowdfunding monitor 2020 de la Haute Ecole spécialisée de Lucerne. Une progression à peine croyable lorsqu’on songe que, en 2015, ce chiffre n’était encore que de 28 millions et de … 100 000 fr. en 2008, date à laquelle la première plateforme suisse (cashare.ch) a été mise en ligne.
La force du crowdfunding, littéralement «financement par la foule» réside justement dans son aspect participatif: la recherche de fonds se fait sur une plateforme web spécialisée par la collecte de petites sommes d’argent auprès de nombreuses personnes. Et ça marche! En Suisse, pas moins 180 000 personnes ont soutenu des projets, en 2019. Très marginal à ses débuts, ce système représente désormais une sérieuse alternative aux réseaux du financement traditionnel. Il permet ainsi de réunir des fonds sans passer par les banques. Les contributeurs, eux, y trouvent l’occasion de soutenir, de manière désintéressée, de beaux projets ou, pour certaines sortes de crowdfunding, de se transformer en investisseur/prêteur avec un capital parfois minuscule. Le site cashare.ch permet, par exemple, d’investir dès 100 fr.
La force participative du crowdfunding constitue aussi ses faiblesses: il faut que l’idée séduise les internautes, faute de quoi ils n’ouvriront pas leur porte-monnaie. De plus, la diffusion sur une plateforme web se fait la plupart du temps au prix de rémunérations non négligeables, du moins en cas de succès.
Vous êtes tenté? A côté des géants du secteur comme Indiegogo (USA) ou Kickstarter (USA), une quarantaine de plateformes actives opèrent en Suisse. Pour bien comprendre les possibilités qui s’offrent à vous, il faut savoir qu’il existe quatre sortes de financement participatif:
Le crowdsupporting, appelé aussi «reward-based crowdfunding» désigne les projets, souvent locaux, dans lesquels les contributeurs sont récompensés par une contrepartie non financière, par exemple un panier garni de la ferme bio ou la photo dédicacée d’un jeune sportif. Pour les contributeurs, il s’agit donc, avant tout, d’un soutien désintéressé et non pas d’un investissement, puisqu’il n’y a pas de rendement. Pour les porteurs d’un projet, le crowdsupporting permet de réunir des fonds dans des domaines très variés comme le sport, la musique, l’environnement, l’alimentation, les énergies renouvelables, etc. Le taux de réussite du crowdsupporting était de 68% en Suisse en 2019.
Nous avons retenu pour vous six plateformes suisses francophones ou disposant d’une version en français (voir page de droite). Certaines sont spécialisées dans un secteur précis, comme le sport, alors que d’autres hébergent des projets divers. Ces plateformes approuvent au préalable les projets présentés et restituent les contributions aux internautes lorsque le financement n’aboutit pas, selon le principe du «tout ou rien». On relèvera que, à l’exception de heroslocaux.ch, ces sites prélèvent des commissions qui atteignent le plus souvent 10% à 12% du total récolté.
Le crowddonating, dévolu aux dons sans contrepartie. Lancé en 2009, le site givengain.com de la Fondation GivenGain, basée à Villars-sur-Ollon (VD) a, par exemple, permis au WWF de récolter plus de 100 000 fr. pour la sauvegarde des rhinocéros en Afrique du Sud.
Le crowdinvesting concerne les investissements participatifs. Les internautes placent de l’argent dans une entreprise en échange d’une participation dans la société ou d’un intéressement à une partie des profits. Des sites, comme crowdhouse.ch ou foxstone.ch se sont spécialisés dans l’investissement immobilier. Les parts minimales sont bien moindres que dans le système traditionnel, mais elles peuvent néanmoins être importantes. Chez foxstone.ch, par exemple, il faut investir au moins 25 000 fr.
Le crowdlending Il permet d’emprunter hors du système bancaire à des taux souvent plus bas. Les investisseurs prêtent, de leur côté, de l’argent en échange d’intérêts. Le crowdlending constitue de loin la majeure partie du financement participatif. En 2019, il a ainsi représenté 418 millions des 597 millions récoltés dans notre pays. Parmi les sociétés suisses, cashare.ch, a reçu plus de 12 700 demandes de prêts depuis sa création en 2008. Quelque 22% d’entre eux ont été financés pour un volume de plus de 100 millions de francs. Du côté de l’emprunteur, les taux d’intérêt oscillent entre 3,9% et 9,9% en fonction du risque et de la durée du prêt, selon les informations que nous a fournies cashare.ch. Les rendements estimés pour les prêteurs vont de 4,65% à 9,2%. Les commissions de la plateforme sont de 0,75% à 1,5% par an pour les emprunteurs et de 0,75% pour les prêteurs.
Sig Impact
sig-impact.ch
Fondée en 2018 par les Services industriels genevois (SIG), ce site présente l’intérêt de se focaliser sur les projets favorisant la transition énergétique et écologique, mais uniquement dans le canton de Genève.
- Projets déposés: 32
- Taux de réussite: 87%
- Contributions totales (CHF): 720 000
- Délai max.: 6 semaines
- Commission: 10% du montant total, mais 0% pour les clients SIG
Wemakeit
wemakeit.com
Une des plus grandes plateformes suisses, fondée en 2012. Elle accueille tous les types de projets en crowdsupporting et s’adresse autant aux personnes individuelles qu’aux collectifs, organisations ou entreprises.
- Projets déposés: 8035
- Taux de réussite: 61%
- Contributions totales (CHF): 65 millions
- Délai max.: 50 jours
- Commission: 10% du montant total
I Believe in You
ibelieveinyou.ch
Cette plateforme bernoise a soutenu depuis 2013 de nombreux projets en lien avec le sport, ce qui inclut les athlètes, les clubs et les organisateurs d’événements.
- Projets déposés: 2500
- Taux de réussite: 90%
- Contributions totales (CHF): 16 millions
- Délai max.: 80 jours
- Commission: 12%
Héros locaux
heroslocaux.ch
La plateforme a été créée en 2016 par la Banque Raiffeisen pour soutenir les projets non commerciaux d’associations, d’institutions et de particuliers, dans les domaines variés comme l’art, la culture, le développement local, l’engagement social, sportif, etc. Elle s’est, pour une durée limitée, ouverte aux PME, en raison de la pandémie de Covid-19.
- Projets déposés: Plus de 1600
- Taux de réussite: 79%
- Contributions totales (CHF): 22 millions
- Délai max.: 90 jours
- Commission: la prestation est gratuite pour les initiateurs et les donateurs: une taxe de transaction des prestataires tiers de 1,5% pour les cartes de crédit et 1,1% pour Twint est facturée sur le montant total.
Yes We Farm
yeswefarm.ch
Créée en août 2018 à Neuchâtel. Yes We Farm accueille les projets liés à l’agriculture et l’alimentation, qu’il s’agisse d’agriculteurs, de vignerons, d’apiculteurs ou encore d’épiceries de produits locaux. En retour, des produits de la ferme, etc.
- Projets déposés: 41
- Taux de réussite: 80%
- Contributions totales (CHF): 1,2 million
- Délai max.: 75 jours
- Commission: 12%
Crowdify
crowdify.net
Créé en 2012, ce site accueille tous les types de projets en crowdsupporting et crowddonating.
- Projets déposés: 2494
- Taux de réussite: 49,2%
- Contributions totales (CHF): 15 millions
- Délai max.: 100 jours
- Commission: 3% à 11%
Sébastien Sautebin
Quelques règles de prudence
Le crowdfunding offre de nombreuses possibilités de financer ou de soutenir des projets, mais quelques règles de prudence s’imposent.
Si vous souhaitez lever des fonds, pensez, entre autres, à:
- Prendre en compte les commissions des plateformes.
- Lire très attentivement les conditions générales.
- Choisir une plateforme qui a fait ses preuves.
- Soigner la présentation du projet pour optimiser ses chances de réussite.
Pour les contributeurs:
- Sélectionner avec le plus grand soin les sites et les projets auxquels on participe pour minimiser le risque d’être victimes d’escrocs.
- N’investir que si l’on comprend parfaitement les enjeux et les risques. Diversifier ses placements et ne placer que ce que l’on peut se permettre de perdre.
- Lire attentivement toutes les informations fournies sur le site, notamment les conditions générales. Le diable se cache souvent dans les détails.