Pour choisir un opérateur téléphonique parmi la pléthore d’offres, les consommateurs peuvent compter sur un instrument performant: le comparatif des offres sur Internet, décliné en plusieurs variantes. Il y a l’«ancêtre» (toujours vaillant) Allo.ch, il y a bien sûr Bon à Savoir sur son site www.bonasavoir, et il y a Comparis.
L’intérêt des opérateurs à figurer dans ces comparatifs est évident; quant aux administrateurs des sites, ils acquièrent crédibilité et visibilité, et parfois encaissent quelques recettes publicitaires. Mais un principe doit être respecté pour garantir l’impartialité de leur comparaison: n’importe quel opérateur doit pouvoir figurer gratuitement sur le site.
Marchandage
Un jeu que le site Comparis SA ne joue pas toujours: contrairement à ce que la société zurichoise affirme sur son site www.comparis.ch, elle impose un système de rémunération à certains opérateurs téléphoniques désirant figurer sur son site. Pascal Possetti peut l’attester: il est encore sous le coup de la rage que lui inspire le marchandage dont a fait l’objet sa société, Victoria Telecom SA, opérateur téléphonique basé à Sierre.
«Le représentant de Comparis, Alain Girardbille (ndlr.: chef des ventes et de la distribution de Comparis selon l’organigramme officiel), nous a rendu visite dans nos bureaux de Sierre, raconte le directeur de Victoria Telecom. Il nous a textuellement demandé le versement de 7500 fr. pour figurer dans son comparatif, affirmant qu’il s’agissait d’une garantie bancaire pour des amendes contractuelles. En outre, Comparis demandait à Victoria Telecom une commission de 40 fr. par internaute qui nous demanderait une offre par l’intermédiaire de leur site.»
Contrat tortueux
Directeur de Comparis, Richard Eisler affirme qu’il s’agit d’un malentendu: «Monsieur Possetti a mal compris notre offre. N’importe quelle société de télécommunications peut effectivement figurer gratuitement dans notre comparatif.» Le chief executive officer ne souffle mot de la caution, mais s’explique volontiers sur la commission pour «apport d’affaires» de 40 fr.: «Il s’agit-là d’une prestation supplémentaire qui n’est pas gratuite: nous mettons en ligne un bouton par lequel l’internaute peut remplir un formulaire de demande de renseignements on-line, et l’envoyer directement à l’opérateur.»
Pour tenter d’y voir plus clair, nous nous sommes plongés dans le contrat proposé par Comparis à l’opérateur sierrois. Basé sur un contrat-type récemment élaboré par Comparis, il prévoit une caution remboursable garantissant les amendes contractuelles que Comparis ponctionne lorsque l’opérateur tarde à actualiser ses tarifs. Quant à la commission pour apport d’affaires marchandée par Comparis, son détail est réglé dans un contrat annexe. Tarif de base: 40 fr. par internaute qui fait une demande de renseignements via Comparis, ou alors 20 fr., mais avec une ponction supplémentaire de 8% sur le chiffre d’affaires.
Un cas pas isolé
Mais la cerise sur cette pièce montée juridique, c’est l’«addendum» au contrat intitulé «Renonciation à la caution», objet d’une signature distincte: en substance, Comparis veut bien renoncer à la garantie. Toutefois, dans ce cas, la prestation payante «annonce via Comparis» devient une clause obligatoire du contrat. Or, Victoria ne peut y renoncer si elle désire figurer sur le comparatif. En bref, d’une façon ou d’une autre, il lui faut débourser!
Deux autres opérateurs, au moins, ont refusé de rémunérer Comparis pour figurer sur leur site web. Tous deux tiennent à demeurer anonymes, pour ne pas fermer la porte à une éventuelle collaboration future – à des conditions amendées en fonction de leurs critiques.
«Il n’est pas normal de payer pour être comparé, dit le directeur d’une de ces sociétés. Verser une contrepartie financière aux prestations de Comparis est admissible, mais cela ne doit pas être une condition pour figurer sur le comparatif.»
Même sentiment chez son homologue, qui ajoute que «la situation est très frustrante: Comparis est incontestablement le leader des comparatifs de services en Suisse alémanique, et il est très difficile, d’un point de vue commercial, de renoncer à y figurer».
Mais Comparis n’en affirme pas moins «intégrer gratuitement dans son comparatif tous les opérateurs qui le souhaitent». Après tout, il faut savoir jouer sur les mots pour garder à ces contrats, probablement juteux, leur apparence de gratuité.
Blaise Guignard