Coup du lapin et troubles psychiques
Les troubles psychiques de personnes accidentées peuvent donner droit à une indemnité. Mais seulement si aucune amélioration n’est prévue.
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Bon à Savoir 08-1998
19.08.1998
Sylvie Fischer
On estime que 6000 à 8000 personnes par an sont victimes en Suisse du coup du lapin, c’est-à-dire d’un traumatisme des vertèbres cervicales, souvent causé par un accident de la circulation. Les conséquences? Maux de tête persistants, troubles de la concentration ou de la mémoire, parfois même dépression. Des maux «invisibles», qui s’incrustent parfois sans qu’une fracture ou une autre lésion physique puisse les expliquer. Mais des maux coûteux aussi, car les victimes doiv...
On estime que 6000 à 8000 personnes par an sont victimes en Suisse du coup du lapin, c’est-à-dire d’un traumatisme des vertèbres cervicales, souvent causé par un accident de la circulation. Les conséquences? Maux de tête persistants, troubles de la concentration ou de la mémoire, parfois même dépression. Des maux «invisibles», qui s’incrustent parfois sans qu’une fracture ou une autre lésion physique puisse les expliquer. Mais des maux coûteux aussi, car les victimes doivent souvent cesser de travailler à plus ou moins long terme.
Les assurances doivent-elles dès lors verser une indemnité pour des troubles purement psychiques, qui n’ont pas leur origine dans une lésion visible et dont l’intensité varie d’une personne à l’autre? Oui, vient de trancher le Tribunal fédéral des assurances (*). Mais seulement si le diagnostic exclut toute amélioration durant la vie entière du lésé.
L’affaire concernait un employé, victime d’une distorsion des vertèbres cervicales à la suite d’un accident de la circulation. Se plaignant de maux de tête persistants et de douleurs dans les membres, il avait développé un état dépressif qui ne lui permettait plus de gagner sa vie. La Caisse national en cas d’accident (SUVA) lui accorda donc une rente d’invalidité à 100%, mais lui refusa une indemnité pour les troubles psychiques dont il souffrait. Elle a en effet estimé que ces derniers devraient disparaître progressivement, et que lorsque de tels maux sont durables, des facteurs tenant à la personnalité du lésé (telle que la volonté de surmonter ou non les suites de l’accident) jouent un rôle prépondérant. Une indemnité pour atteinte durable de l’intégrité doivent donc être exclue pour des troubles purement psychiques difficilement quantifiables, et cela de manière générale.
Les juges lui ont donné tort sur ce point. Tous les troubles psychiques, qu’ils aient ou non leur source dans une liaison organique, peuvent donner droit à une indemnité, ont-il rétorqué. Ils se refusent également, la question étant controversée en psychiatrie, à fixer pour principe que les troubles purement psychiques finissent toujours par disparaître, et que certains facteurs liés à la personnalité du lésé peuvent avoir une influence sur leur durée. Chaque cas doit être jugé pour lui-même.
Les critères permettant de conclure à une lésion durable de l’intégrité psychique doivent cependant reposer non sur la manière dont l’accident a été vécu, mais sur sa gravité effective. En effet, seules les victimes de graves accidents de la circulation ou d’importantes catastrophes naturelles souffrent d’ordinaire de troubles psychiques durables, même sans avoir subi eux-mêmes aucune blessure. A l’opposé, un accident banal ou d’une gravité moyenne cause rarement de tels troubles.
Dans le cas précis, le lésé n’a pas subi un accident d’une gravité particulière, relèvent les juges. Il faut donc nier l’existence d’une atteinte durable à l’intégrité psychique. Une exception à ce principe ne serait admissible que si on se trouvait dans un cas limite (s’approchant d’un accident grave) et si des indices parlaient en faveur d’une lésion psychique difficilement rémissible. Ce n’était pas le cas de l’employé, puisqu’on pronostiquait qu’après une thérapie adéquate, son état s’améliorerait à moyen terme. Il n’a donc pas droit à une indemnité.
Sylvie Fischer
(*) Arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 3 mars 1998, U73/96.