Est-ce l’abondance de nourriture qui pousse certains à inventer toutes sortes de régimes, sans viande, sans gluten, sans gras, sans sucre et, maintenant, sans cuisson? C’est que la mode du crudivorisme refait surface: on parle désormais de raw food. Ce régime médiatisé par des célébrités californiennes, jongle avec légumes, fruits, céréales bio, algues, noix, cacao cru et graines germées. Végan donc – mais pas toujours –, il prône l’importance des enzymes et tolère une «cuisson» d’environ 40° C.
Au-delà de la polémique que peut susciter cette tendance, cela pose la question de la pertinence de la cuisson des aliments. Cru ou cuit? On ne devrait pas bannir l’un au profit exclusif de l’autre, mais profiter de ce que chacun peut apporter de bénéfique.
Antioxydants mieux assimilés
On a tendance à croire que, en consommant les légumes crus, on profite de l’entier de leurs vitamines, antioxydants et minéraux. Pourtant la cuisson n’entraîne la déperdition que de deux vitamines: la C, la plus fragile de toutes, et la B9 (acide folique). Mais un verre de jus d’orange frais par jour contribue à faire le plein de vitamine C. Les autres vitamines présentes dans les légumes résistent à la chaleur, tout comme les minéraux.
En revanche, c’est dans l’eau de cuisson que les vitamines C et B, comme les minéraux, pourront se dissoudre. C’est pourquoi il faut privilégier le panier vapeur, le micro-onde, les papillotes ou la cuisson à l’étouffée et éviter de cuire dans un grand volume d’eau.
L’un des grands atouts de la cuisson, c’est d’améliorer l’assimilation de nombreux antioxydants. Cuire une tomate, par exemple, permet de briser les parois de ses cellules et de libérer le lycopène qu’elles contiennent. Cet antioxydant, boosté par la présence de gras, sera alors mieux absorbé par l’organisme. Du coup, on retrouve quatre fois plus de lycopène disponible dans la sauce tomate que dans une tomate fraîche! Il en va de même avec les caroténoïdes dans les carottes et de la lutéine dans les épinards ou les poivrons.
Viande et poisson... prudence!
Ce qu’il faut dire aussi, c’est que les fibres cuites des légumes et des tubercules sont, en règle générale, moins irritantes pour les intestins. Certains végétaux sont même immangeables crus, car notre organisme n’a pas la capacité de digérer l’amidon cru contenu dans les pommes de terre, le riz, les céréales ou les châtaignes. Pour leur part, les légumineuses et les haricots renferment des lectines qui provoquent une inflammation de la muqueuse intestinale. Seule la cuisson – avec un trempage préalable pour les légumineuses – permet de détruire ces toxines. Relevons encore que certains champignons et le manioc sont carrément toxiques sous leur forme crue.
Pour leur part, les aliments d’origine animale peuvent contenir bactéries et parasites qu’il faut impérativement éliminer par la cuisson: une viande crue ou mal cuite peut être porteuse de salmonelles, d’Escherichia coli ou de listeria, sources de gastroentérites sévères, parfois mortelles. Avec le poisson cru, on se méfiera de l’anisakis, un redoutable parasite qui peut occasionner de fortes douleurs abdominales. Pour s’en prémunir, il faut congeler son poisson (trois jours à –18° C) avant de l’apprêter. Et, mieux vaut le décongeler au frigo pour limiter tout risque de prolifération bactérienne!
Gare aux températures élevées!
Cuire sa viande ne signifie pas pour autant abuser des fritures et des grillades. Car les hautes températures peuvent entraîner la formation de substances potentiellement cancérigènes dues au contact avec la fumée et à la carbonisation des graisses. Ces modes de cuisson devraient rester occasionnels. Mais, si l’appel du barbecue est trop fort, marinez vos aliments au moins quatre heures dans de la bière – brune de préférence – avec du citron, du thym, du romarin, de la sauge et de l’ail. Cela permet de diminuer la formation de substances toxiques à la surface de la viande. Pensez aussi à servir des légumes avec ces mêmes épices, riches en antioxydants.
Alors, cuit ou cru? Comme toujours en nutrition, tout est une question d’équilibre et de bon sens!
Doris Favre, diététicienne diplômée