Frères et cousins du nouveau conseiller fédéral (du même terroir de Bursins), les Parmelin sont tous les deux champions du bio, couronnés par le Grand Prix du vin suisse. Reynald, à Begnins, s’est plusieurs fois distingué avec un cépage blanc, le johanniter. Yvan, à Bursins, est le champion en titre, grâce à un assemblage rouge – Affinité 2012 –, tandis que celui qui nous avons dégusté – Cohésion 2014 –, vendu par Manor, affichait une médaille d’argent du même concours. Il n’est devancé que par la Cuvée noble, signée Reynald Parmelin. Cet assemblage de gamaret, de merlot et de cabernet-sauvignon, exclusivité Coop, est remarquable pour un millésime frais et tardif comme 2013. Il rend hommage autant au viticulteur qu’à l’œnologue qui a su élever ce rouge avec tout le doigté nécessaire – le bois y est fort bien maîtrisé.
Du vrai «vin bio» dès 2012
Deux vins suisses en tête, alors qu’il n’y en avait que trois au départ, belle performance! Nous avons limité le choix des vins aux trois millésimes de 2012 à 2014. Le premier est celui de l’entrée en vigueur du label européen. Jusqu’alors, le «vin bio» n’avait pas de cahier des charges: seule la culture du raisin, selon des principes bio ou de biodynamie, était prise en compte. Pour la première fois, donc, notre dégustation n’a réuni que des vins dûment labellisés.
Six bouteilles viennent du sud de la France, à commencer par un vin de coopérative, classé 3e, vendu à prix d’ami par Manor. Ce distributeur se profile «outsider» pour les vins bio, où ils sont signalés dans le rayon, comme à Coop, par un petit carton vert. Du même fournisseur, Colle Massari (4e) est un domaine toscan ambitieux, appartenant à la famille Bertarelli. Son Riserva 2012 s’avère très boisé: peut-être faut-il lui laisser du temps pour s’épanouir… Il devance le vin le moins cher, un espagnol, l’unique vin bio repéré dans les rayons
d’Aldi.
La cuvée de base du Château de Nages, à Mövenpick – qui ne fait pas de différence dans ses casiers entre vins bio labellisés et les vins sans label issus de la biodynamie – mène le peloton des autres crus du sud de la France, devant Le Moulin de Lauzières. Ce domaine des Baux-de-Provence appartient au Genevois Christophe Pillon, également propriétaire du Domaine des Balisiers à Satigny (GE), classé 9e, derrière un malbec argentin, propriété du musicien pop zurichois Dieter Meier. Ces deux vins de Globus font grimper le prix de la médiane à un peu plus de 17 fr. le flacon. Mais les deux vins les moins chers, aux 5e et 3e rangs, ont bien tiré leur épingle du jeu.
Un marché de niche
Le bio reste un marché de niche. Ni Denner (un seul vin bio, italien, repéré), ni Lidl, ni Aligro (aucun vin bio chez ces deux derniers) ne misent, en effet, sur ce créneau. Le premier rôle est assuré par Coop. Pionnière en Suisse, elle a pris 45 licences auprès de Bio Suisse pour s’assurer de la conformité des vins avec les normes nationales. A la fin de 2015, Berne annonçait que l’Europe reconnaît entièrement la législation suisse en la matière. Mais, selon Urs Meier, porte-parole de Coop, le cahier des charges aux normes suisses reste plus sévère que l’européen et ne devrait pas modifier la prise de licence du plus gros vendeur de produits bio de Suisse, sous Naturaplan. Ce signe distinctif a fêté ses 20 ans en 2013, et les ventes ont progressé à l’occasion de cet anniversaire, pour fléchir l’année suivante (2014). Globalement, le vin bio produit en Suisse sur 400 ha (soit 2 millions de litres) et celui importé font jeu égal en quantité, pour une valeur totale sur le marché de détail de 31 millions de francs, selon l’Institut Nielsen, cité par Bio Suisse.
Le bio, viticulture chronophage
Janvier est le mois du vin bio: du 25 au 27 se tient à Montpellier, Millésime Bio, créé en 1993, soit 800 exposants de 14 pays. L’automne passé, son organisateur a publié une étude de l’Institut Ipsos sur la perception du vin bio par les Français, Anglais, les Allemands et les Suédois.
Près de 35% des consommateurs interrogés en boivent. Le vin bio attire les femmes (50,5% des acheteurs) et les jeunes (les moins de 35 ans représentent 23% des consommateurs).
Les Français et les Suédois disent consommer du vin bio d’abord par égard pour l’environnement, les Allemands par réflexe bio et les Anglais «parce que le bio a meilleur goût». Tous se sentent concernés par la traçabilité du produit, l’écrasante majorité étant convaincue «des bienfaits pour la santé» et prête aussi à payer «plus cher pour préserver l’environnement».
Patrick Guiraud, le président de Sudvinbio, affirme que, après les producteurs, «ce sont les consommateurs qu’il faut convertir en leur expliquant les avantages: le respect de l’environnement, la préservation de la ressource en eau, une meilleure sécurité alimentaire et plus d’emplois». Selon une estimation française, il faudrait presque deux fois plus de temps et de personnel pour soigner une vigne en bio ou en biodynamie qu’en viticulture classique.