La moutarde a une longue tradition: la Chine la connaissait déjà, il y a environ 3000 ans. Dans les cuisines européennes, on l’achète sous la forme d’une pâte à base de graines de moutarde et de vinaigre ou de verjus, un jus acide extrait de raisins n’ayant pas mûri. Pour la préparation, il existe trois variétés de plantes, désignées par leur couleur. La moutarde blanche, aussi appelée «jaune», est douce, alors que les brune et noire sont nettement plus fortes. Le mélange est donc la clé pour varier les saveurs.
Pour savoir la qualité des produits les plus vendus, nous en avons envoyé quinze au laboratoire. Les spécialistes ont traqué des pesticides, des conservateurs et des métaux lourds, mais également des traces de bisphénol F (BPF) et alcaloïdes pyrrolizidiniques (lire encadré).
Aucune trace de pesticides
Le résultat est réjouissant: treize produits reçoivent l’appréciation globale «bon». Les deux derniers obtiennent la mention «satisfaisant». La bonne nouvelle, c’est qu’aucun échantillon ne contenait des résidus de pesticides ou des alcaloïdes pyrrolizidiniques.
La grande majorité des articles était également exempte de conservateurs indésirables. Les exceptions? La Moutarde forte de Dijon, de Grey-Poupon, et la Dijon Originale de Maille qui renfermaient du dioxyde de soufre. Ce composé est ajouté comme antioxydant pour que la pâte garde sa clarté et sa force. Il peut pourtant provoquer des nausées, des maux de tête ou de l’asthme.
La présence de métaux lourds était, a contrario, nettement moins rare, puisque tous les échantillons contenaient du cadmium! Dans la moutarde Gros grains bio de Migros, des résidus de plomb ont également été décelés. Dans tous les cas, les concentrations étaient suffisamment faibles pour qu’on puisse parler de traces uniquement.
L’autre point noir, c’est la présence de bisphénol F (BPF) dans treize des quinze échantillons! A la lumière des connaissances actuelles, le BPF est comparable au bisphénol A. Par conséquent, on peut le considérer comme un perturbateur endocrinien avec toutes les conséquences que cela suppose: déséquilibre du système hormonal et altération de la fertilité.
De prime abord, on pourrait supposer que le BPF a migré de l’emballage vers son contenu. Mais des études de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) ont montré que ce n’est pas le cas: le BPF se forme par une réaction chimique lors de la préparation de la moutarde. Si le mécanisme n’a pas encore été complètement étudié, on sait toutefois qu’il affecte les graines de la variété blanche et non celles de la brune ou de la noire.
Ce constat a été corroboré par les résultats de notre test: la Maille et la Grey-Poupon sont les seuls produits qui ne renfermaient pas de bisphénol F. Or, il s’agit précisément des seules recettes – basées sur celle de Dijon – qui sont fabriquées sans aucune graine de moutarde blanche. C’est une information intéressante pour les consommateurs qui souhaitent éviter le BPF. Le hic, c’est que les fabricants ne mentionnent généralement pas, sur l’étiquette, la ou les variétés de graines utilisées.
Teneur très fluctuante
Dans les faits, il n’existe pas encore de limites légales pour le bisphénol F. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) s’appuie sur le danger potentiel du BPA qui a une structure chimique très similaire. Or, le seuil de tolérance pour le BPA est fixé
0,004 milligramme par kilogramme de poids corporel.
Dans les produits que nous avons testés, cette valeur n’a pas été atteinte pour le bisphénol F. Mais les concentrations mesurées étaient très variables d’un échantillon à l’autre: la moutarde M-Budget en contenait onze fois plus que la bio Naturaplan et dix fois plus que celle de Volg. Ces écarts pourraient s’expliquer par les processus de fabrication, sachant que la formation de bisphénol F s’accélère à haute température.
Les fabricants ont réagi à nos résultats en indiquant que la présence de bisphénol F dans la moutarde blanche était connue. Mais ils estiment que le risque des effets indésirables sur la santé est particulièrement faible.
Julia Wyss / bl
En détail
Les substances recherchées
Un laboratoire spécialisé a examiné les quinze produits en recherchant les composants suivants.
1. Pesticides
Pour l’analyse, les experts ont utilisé un procédé apte à détecter plus de 500 pesticides parmi les plus courants.
2. Alcaloïdes pyrrolizidiniques
Ces toxines sont produites naturellement par plusieurs espèces de plantes, pour la plupart des mauvaises herbes. On en trouve notamment entre les plants de moutarde. Ils sont soupçonnés de causer le cancer et d’endommager le foie, et ne sont donc pas autorisés dans les aliments.
3. Bisphénol F
Ce composé chimique, utilisé dans les matières plastiques, peut aussi se libérer dans les denrées à base de graines de moutarde blanche. Sa toxicité (perturbateur endocrinien, etc.) est jugée comparable à celle du bisphénol A. Lorsque la concentration était faible, le produit a été sanctionné de 0.2 point. Lorsqu’elle était élevée, 0.5 point a été retiré.
4. Composés de soufre
Le laboratoire a examiné les échantillons pour découvrir s’ils contenaient du dioxyde de soufre. En plus d’être un conservateur inutile, cette substance peut provoquer des réactions allergiques. Sa présence a valu une pénalité de 1 point aux produits concernés.
5. Métaux lourds
S’ils peuvent se trouver dans la nature, ils proviennent également des émissions de gaz polluants ou des engrais chimiques. Le laboratoire a cherché des traces de plomb et de cadmium. Tous les deux sont toxiques et s’accumulent dans le corps. Raison pour laquelle la présence de chacun d’eux a été sanctionnée de 0.5 point.