A quelle vitesse circulez-vous sur l’autoroute la nuit? Même en respectant les limitations, vous risquez de gros problèmes avec la justice en cas d’accident. Une de nos lectrices en fait actuellement l’amère expérience.
Alors qu’elle rentrait chez elle à 120 km/h peu après minuit, elle n’a pu éviter une voiture immobilisée feux éteints au beau milieu de l’autoroute avec deux personnes à l’intérieur. Résultat, notre lectrice est poursuivie pour lésions corporelles graves par négligence, le juge estimant que sa vitesse était inadaptée à la visibilité avec les feux de croisement.
Il faut savoir que la Loi sur la circulation routière (LCR) et l’Ordonnance sur la circulation routière (OCR) sont claires à ce sujet. L’art. 4 al.1er de l’OCR stipule ainsi que «le conducteur ne doit pas circuler à une vitesse qui l’empêcherait de s’arrêter sur la distance à laquelle porte sa visibilité». Une règle qui s’applique totalement sur les autoroutes, «en particulier lorsqu’on circule de nuit avec les feux de croisement», comme n’a pas manqué de le rappeler le Tribunal fédéral dans un arrêt du 2 avril 2001.
A 60 km/h sur l’autoroute
Or si les feux de route (les grands feux) doivent légalement éclairer à au moins 100 mètres, les feux de croisement sont réglés respectivement sur 50 mètres pour le gauche et 75 mètres pour le droit. Ne s’embarrassant pas de nuances, les juges considèrent qu’ils «portent sur une distance de 50 mètres», du moins si l’on se réfère à l’arrêt du TF du 2 avril 2001.
Et pour pouvoir s’arrêter sur 50 mètres, lorsqu’on aperçoit un obstacle, il ne faut vraiment pas rouler vite. Si l’on se base sur les distances d’arrêt établies par le Bureau de prévention des accidents (lire l’encadré), il faudrait rouler à environ 60 km/h de nuit sur l’autoroute et sur chaussée sèche pour stopper le véhicule sur les 50 mètres du TF. En estimant que le halo de lumière des feux de croisement éclaire en réalité sur plus de 50 mètres, comme l’affirment le porte-parole de l’Office fédéral des routes (OFROU) et certains moniteurs d’autoécole, on peut – à nos risques et périls – envisager de rouler un peu plus vite, entre 80 et 90 km/h. Mais même là, on est bien loin des vitesses réelles des automobilistes sur ce type de voies.
On pourrait rétorquer que se retrouver face à un véhicule immobilisé, feux éteints, en plein milieu de l’autoroute la nuit reste un évènement extraordinaire. Le Tribunal fédéral ne l’entend pas de cette oreille: «Selon une jurisprudence constante, celui qui conduit de nuit sur une autoroute doit en permanence s’attendre à être confronté à des obstacles dépourvus d’éclairage et il n’y a notamment rien d’extraordinaire à ce que se trouve sur la chaussée, à la suite d’un accident, par exemple, un véhicule non éclairé
ou une personne blessée.» Par conséquent, si vous êtes responsable d’une telle collision et qu’elle occasionne des blessés, vous serez, si l’on se réfère à la jurisprudence, condamné pour lésions corporelles par négligence ou homicide par négligence en cas de décès, même si votre vitesse de croisière n’excédait pas les 120 km/h.
Utiliser les feux de route
Pour accroître notablement sa distance de visibilité, soit à 100 mètres au moins, il est donc judicieux de rouler avec les feux de route, mais il faut se souvenir que la loi impose de passer aux feux de croisement «à temps, mais au moins 200 m avant de croiser un autre usager de la route» ou «sitôt que le conducteur d’un véhicule venant en sens inverse le demande en éteignant et en allumant ses propres feux de route».
Sébastien Sautebin
100 m pour s’arrêter à 100 km/h
Quelle distance faut-il pour arrêter sa voiture? Sur chaussée sèche, le Bureau de prévention des accidents (BPA) affirme qu’il faut 140 m à 120 km/h, plus de 100 m à 100 km/h, presque 80 m à 80km/h, 40 m à 50 km/h et encore 20 m à 30 km/h! Des distances qui s’allongent de 25% sur chaussée mouillée.
Dans son arrêt du 2 avril 2001, le Tribunal fédéral a été un peu plus clément, estimant alors qu’un conducteur, qui roulait à 130 km/h, avait besoin de 130 m pour s’arrêter.