Chaque mois, la Suisse consomme 600 tonnes de kebab, bien plus que les sandwichs ou les hamburgers! Selon la recette originale, des lamelles de viande d’agneau sont piquées autour d’une broche verticale et, une fois rôties, servies avec du pain, une sauce et des crudités. Mais, chez nous, la viande est plus souvent du hachis de poulet et de bœuf (des morceaux gras de 2e ou de 3e choix), auquel on ajoute du sel, des liants et des exhausteurs de goût, moulée en boule, puis congelée. Et voilà que l’Union européenne vient – en plus – d’autoriser l’ajout d’additifs au phosphate, afin de mieux «lier entre eux les morceaux de viande et les rendre plus homogènes lors de la congélation». Au grand dam de la moitié des députés (majorité de trois voix seulement!), sensibles aux dangers potentiels de ces nouveaux ingrédients. Des dangers, vraiment?
Trois sources
Notre corps, nos os particulièrement, ont impérativement besoin de phosphore. Mais point trop n’en faut: 550 mg/jour pour un adulte selon les recommandations de 2015 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Or, la consommation moyenne européenne a passé de 700 mg en 1970 à 1500 mg de nos jours. Principal responsable de cette hausse vertigineuse: les additifs à base de phosphates inorganiques que l’industrie alimentaire utilise à tour de bras.
Pour bien comprendre, il faut savoir qu’il existe trois sources de phosphore:
⇨ les phosphates organiques qui se trouvent dans les protéines animales (laitage, viande, volaille, poisson) et que le corps absorbe pour moitié;
⇨ les mêmes phosphates qui se trouvent dans les végétaux (légumes secs, haricots, noix), mais qui sont nettement moins bien assimilés;
⇨ les phosphates inorganiques, utilisés pour fabriquer des additifs qu’on ajoute dans les sodas, les fromages, la charcuterie, etc., et qui sont presque complètement (à 90%) absorbés par le corps.
Ces additifs ont des noms compliqués mais aussi, fort heureusement, des codes plus faciles à repérer sur les emballages:
- E 338: acide orthophosphorique
- E 339: orthophosphates de sodium
- E 340: orthophosphates de potassium
- E 341: orthophosphates de calcium
- E 343: orthophosphates de magnésium
- E 450: diphosphates
- E 451: triphosphates
- E 452: polyphosphates
Les uns servent d’acidifiants (par exemple pour le cola), d’autres comme sels de fonte (ils renforcent l’onctuosité d’un produit et facilitent son mélange avec l’eau), d’autres encore comme solidifiants. L’industrie alimentaire en use et en abuse, malgré des doutes de plus en plus nombreux sur les conséquences fâcheuses qu’un excès peut avoir sur la santé des consommateurs.
En examen
La liste des dangers, retenue par la doctoresse Anne-Laure Denans dans son récent ouvrage Nouveau guide des additifs (lire encadré), documentée par de nombreuses et récentes études scientifiques, est impressionnante. Les additifs au phosphate contribuent à augmenter la mortalité cardiovasculaire, ils peuvent entraîner une aggravation de l’insuffisance rénale chronique ainsi que des risques de fragilisation des os, et ils pourraient même favoriser le cancer. C’est d’ailleurs pour ces raisons que l’EFSA ré-évalue actuellement leur dossier et devrait rendre un avis d’ici à la fin de 2018.
La Parlement européen a cependant décidé de ne pas attendre, et a donc régularisé, à la fin de l’année dernière, leur utilisation dans la viande de kebab. Ils étaient, en effet, d’ores et déjà utilisés dans certaines préparations, sans que cela soit formellement interdit ou autorisé. Ce que déplore le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), qui fait part de son inquiétude sur l’impact de ces additifs sur la santé et rappelle que, contrairement à ce qui a été dit pour forcer la décision, certains industriels parviennent à fabriquer des kebabs sans phosphates.
Lire l’édito
Christian Chevrolet
App des codes E actualisée
Notre application «Codes E» vient d’être remise au goût du jour, notamment avec Le nouveau guide des additifs de la doctoresse Denans. Pour rappel, cette app permet, grâce à une synthèse de différents ouvrages, études et sites sur le sujet, de prendre connaissance, pour chaque additif, de son usage, de son utilité et de ses éventuels dangers. En fonction de ces informations, chaque produit s’est vu attribuer une couleur: vert (sans danger), jaune (quelques doutes), orange (risques importants) et rouge (à éviter absolument). Pour exemple, tous les additifs à base de phosphates indiqués ci-contre sont classés «rouge».
L'applicaiton:
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