Il a les faveurs du plus grand nombre, mais le champagne n’est pas le seul à pouvoir agrémenter les fêtes de fin d’année d’une exquise effervescence. Les vins mousseux suisses ne manquent pas d’atouts, même s’ils n’ont pas droit à l’appellation «champagne», réservée aux bouteilles issues du vignoble champenois français.
C’est une réalité: les bulles bien de chez nous séduisent de plus en plus. Selon l’Office fédéral de l’agriculture, plus de 558 200 litres de mousseux suisses ont été consommés en 2022, souligne Marine Bréhonnet, porte-parole de Swiss Wine Promotion, organisme promouvant les vins suisses. Selon elle, la tendance est en hausse au sein des domaines viticoles, car le vin effervescent un fort intérêt, «particulièrement en période de fêtes».
Nous avons réuni neuf vins mousseux suisses brut (lire encadré), afin de les soumettre au nez et aux papilles de trois experts. Toutes les bouteilles ont été achetées auprès de la grande distribution. La dégustation a été réalisée à l’aveugle. Nous en avons profité pour glisser discrètement un champagne, le vainqueur de notre test de l’an dernier. Face à la concurrence suisse, ce dernier a été plutôt sèchement noté (voir tableau).
Vif et mordant
Sur l’ensemble des bouteilles de notre assortiment, une n’a pas pu être évaluée pour cause de goût de bouchon (lire encadré). Les autres vins dégustés ne présentaient pas de défaut majeur.
Avec une note de 17 sur 20, le Brut Millésimé Jacques Germanier, de la Cave du Tunnel en Valais, décroche la première place. «Un mousseux qui rappelle l’équilibre des champagnes, avec une bouche très ciselée, une belle persistance et une légère astringence lui donnant du caractère», selon Julie Fuchs, maître d’enseignement à l’Ecole d’ingénieurs de Changins. Mattéo Murphy, vigneron, caviste et animateur d’ateliers dégustation, lui trouve un côté «vif et mordant» avec des notes iodées. Idéal pour accompagner des huîtres ou, simplement, en apéritif.
A 22.80 fr. la bouteille, ce vin fait partie des plus chers de notre test. Le plus onéreux de tous a coûté 25 fr. la bouteille. Il s’agit d’un mousseux zurichois, le moins bien noté de notre dégustation. Le Truttiker, de la famille Zahner, obtient un petit 12,8. Il est réalisé à partir de pinot blanc.
L’art de la fermentation
Le Brut Millésimé qui occupe la première place du podium est, quant à lui, produit à partir de chardonnay, selon la méthode traditionnelle (ou champenoise). Une méthode également utilisée par la Maison Mauler pour élaborer son Cordon Or. Avec ce procédé, le vin fermente une deuxième fois à l’intérieur de la bouteille, sous l’effet de levures et de sucre. C’est ce qui produit le gaz carbonique à l’origine de l’effervescence.
La plupart des vins de notre test ont été obtenus d’une autre manière: à partir de la méthode dite de la «cuve close» qui prévoit une fermentation dans une cuve. Utilisée pour les prosecco, cette façon de faire est plus rapide que la méthode traditionnelle. Il existe encore une autre technique pour obtenir un vin effervescent: la gazéification, qui consiste à ajouter directement du gaz carbonique.
Deuxième de notre classement, les P’tites Bulles, de la Cave de La Côte, dans le canton de Vaud, a été jugé «bien équilibré, autant au nez qu’en bouche», par Claire Mallet, organisatrice de dégustations et propriétaire du Wine Trotter. Elle lui trouve «élégance et finesse».
Un vin valaisan et un vin genevois se partagent la troisième place ex aequo: le Mousseux, de la Cave du Tunnel et le Baccarat Blanc de blancs, de la Cave de Genève. Si l’étiquette du premier ne fait aucune mention des cépages utilisés, le second, en revanche, a été élaboré à partir de chardonnay.
Pas de restriction de cépages
Le cépage constitue un autre point sur lequel les mousseux suisses se distinguent des champagnes français. Ces derniers sont toujours produits à partir de chardonnay, de pinot noir et de pinot meunier. En Suisse, ce genre de restriction n’existe pas. On trouve donc des vins issus d’un seul cépage ou de toutes sortes d’assemblages. «Cette diversité apporte des variations dans les saveurs des mousseux, ce qui est aussi très intéressant», observe Marine Bréhonnet.
Le type de raisins à l’origine d’un vin effervescent helvétique n’est pas toujours indiqué sur l’étiquette. La représentante de Swisswine relativise cette lacune: «Le nom du cépage n’est pas un critère qualitatif, mais simplement informatif. Le plus important est de connaître le producteur, soit l’origine du vin.» Elle rappelle qu’il est possible, dans certains cas, d’obtenir cette information sur le site internet de la cave.
Plusieurs bouteilles de notre dégustation ne portaient effectivement pas d’indication spécifique ou simplement la mention «vin de pays Suisse». A noter que le Mauler est «obtenu en Suisse à partir de vins de différents pays».
Pour résumer, les vins mousseux suisses ont pour eux l’avantage de la diversité. Il ne reste plus qu’à en trouver un à son goût. L’éventail disponible dans les rayons des grandes surfaces ne constitue qu’un tout petit aperçu de la production locale. De plus en plus de vignerons proposent un vin effervescent dans leur assortiment. Les curieux seraient bien inspirés de jeter un œil du côté des caves de leur région. Ou même plus loin.
Geneviève Comby
Un goût de bouchon
Un vin de notre sélection de mousseux suisses a dû être écarté de la dégustation pour cause de goût de bouchon. Afin de faire face aux imprévus, nous achetons chaque vin en deux exemplaires. Mais les deux bouteilles du Bündner Blanc de noir des Grisons, commandées sur manor.ch à 23 fr. pièce, étaient altérées.
Manor précise que le vin a été acheté sur son site, mais auprès d’un partenaire indépendant. C’est lui qui fixe ses conditions en cas de problème avec une marchandise. Dans notre cas, von Salis AG, qui se charge de vendre et d’expédier, nous a offert de remplacer les bouteilles problématiques ou de nous les rembourser.
Conseil: si vous tombez sur une bouteille bouchonnée, signalez-le au point de vente où vous l’avez achetée, avec une preuve d’achat, et demandez à être remboursé.
Brut, sec ou demi-sec?
Quand il est brut, un vin effervescent contient moins de 12 grammes de sucre par litre. Sec, il affiche un taux de sucre plus élevé, entre 17 et 32 g/l. Pour un demi-sec, cette proportion oscille entre 32 et 50 g/l. Au-delà, on parle d’un vin doux. Quant au terme millésimé, il signale que le vin est élaboré à partir du raisin d’une seule et même vendange, alors que le standard est un assemblage sans année spécifique.