«L’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte», disait une ancienne pub pour des petits pois. Une règle de conduite souvent oubliée par les fabricants qui induisent le consommateur en erreur sur les emballages, avec des images trompeuses d’ingrédients introuvables – ou presque – dans les produits. Nous avons déniché quelques exemples éloquents qui flirtent avec les limites de la légalité (voir ci-contre).
La législation sur les denrées alimentaires est très claire: la publicité et l’étiquetage doivent «correspondre à la réalité et exclure toute possibilité de tromperie quant à la nature, à la provenance, à la fabrication, au mode de production, à la composition, au contenu et à la durée de conservation». La charge du contrôle échoit aux laboratoires cantonaux.
Otmar Deflorin, président de l’Association des chimistes cantonaux, se refuse à commenter les exemples que nous lui avons soumis, arguant que «les autorités cantonales d’exécution ne se prononcent pas sur la conformité des étiquettes à la demande de tiers ou des médias. Si un produit ne répond pas aux exigences légales, le chimiste cantonal compétent intervient directement auprès de l’entreprise concernée.»
Autrement dit, les producteurs d’aliments qui ne respectent pas la loi sont discrètement rappelés à l’ordre par les autorités. Les consommateurs, eux, sont, comme trop souvent, laissés dans l’ignorance.
Mini Babybel au chèvre (Bel)
Du lait de vache et des arômes
Partant du succès de son Babybel rouge, Bel a sorti une version «au chèvre» déclinée en vert, avec une tête de biquette qui sourit fièrement sur l’emballage. Aucun doute possible, c’est du fromage de chèvre! Eh bien non, raté. De fait, la préparation – «au chèvre», nuance – ne contient que 10% de lait de chèvre. Le reste est constitué de lait de vache, d’eau et d’arômes.
Réponse du fabricant
Selon Bel Suisse, la chèvre a désormais disparu des nouveaux emballages. Elle figure en revanche toujours sur les portions individuelles «afin d’éviter les risques de confusion».
Yogourt Ananas-Fruit de la passion (Hirz)
Passion qui s’étiole
Hirz promet des sensations exotiques grâce à son yogourt Ananas-Fruit de la passion. Si l’ananas de la photo se retrouve effectivement dans la préparation, à raison de 8,9%, le fruit de la passion est quasiment introuvable. Il ne compte que pour 1,1% du tout. Et encore, sous forme de concentré.
Réponse du fabricant
Nestlé fait amende honorable. Et reconnaît que «le fruit de la passion illustré sur l’emballage occupe une place disproportionnée». Il s’agit d’un produit saisonnier retiré des rayons à la fin de mars, raison pour laquelle, Nestlé a renoncé à modifier l’emballage.
Müesli Bâtons Framboise (Aldi)
Des framboises pour la couleur
De belles framboises dodues ornent le devant, le dos et les côtés du paquet. Mais le petit fruit n’entre que dans la composition de la pâte de fruits, composée également de... pomme, fructose, sirop de glucose, sucre, fibres de blé, matières grasses végétales, fruits colorants, jus de légumes, gélifiant et arômes naturels.
Réponse du fabricant
Aldi rétorque que ce genre d’emballage est conforme à la législation. La mention «suggestion de présentation» apposée sur le carton est un signal pour le consommateur que l’illustration ne représente pas forcément la réalité du produit.
Le Petit Dessert Pêche-Poire (Milupa)
Pêche et poire noyées dans la masse
Les pêches et la poire sont les premières images que l’œil perçoit sur l’emballage. Sans compter la mention écrite, tout aussi visible. Or, ces deux fruits ne forment que 5% de la masse. Laquelle est constituée d’une trentaine d’ingrédients, dont du lait écrémé en poudre, du lactosérum, de la crème, du sucre et de l’eau.
Réponse du fabricant
Milupa rétorque que son produit est un «dessert lacté fruité», autrement dit, ce n’est pas une compote de fruits. L’illustration est utilisée pour permettre au consommateur d’identifier de quelle saveur il s’agit.
Cherry Tea (Coop)
Ecorces d’orange et de cynorrhodon
Impossible de rater les trois grosses cerises qui couvrent la moitié du carton, en plus de l’inscription «Cherry», soit cerise en franglais. De fait, la préparation contient des fleurs d’hibiscus, des pommes et des pelures de pomme, des feuilles de mûres, des écorces de cynorrhodon et d’orange mélangés avec un peu de jus de cerise concentré et des arômes.
Réponse du fabricant
Coop admet que sa tisane contient des arômes en petites quantités. Le distributeur ajoute que le consommateur est clairement avertit par la mention «Infusion de fruits au goût de cerise».
Sélection Basilicum Olive (Aldi)
Purée d’olives à la noix… de coco
Le couvercle de la pâte à tartiner «aux olives et basilic», de Aldi, est gorgé d’olives, au point qu’on a presque peur de se graisser les doigts! Mais, dans la recette, les olives ont pratiquement disparu: 2%. Le reste de la purée est fait, entre autres, de crème fraîche, de fromage blanc, de graisse de coco, d’huile de colza, d’épaississants et de sucre.
Réponse du fabricant
Selon Aldi, il s’agit d’un procédé tout à fait courant. Du moment que l’huile utilisée est bien tirée d’olives, le distributeur ne voit pas de problème à ce que l’emballage soit agrémenté de la sorte.
Stocki Express Brocoli et Crème fraîche (Knorr)
Un demi-gramme de brocoli
Purée de brocolis express, il faut le dire vite! Certes, la recette ne contient ni conservateurs (conformément à la législation) ni exhausteur de saveur. Le gourmet aura néanmoins de la peine à retrouver le goût et la couleur du légume vert dans sa préparation déshydratée, sachant qu’elle n’en contient qu’un tout petit pour cent. Soit environ 0,5 gramme. Même pas le dixième du poids d’un petit bouquet…
Réponse du fabricant
La réponse de Knorr est aussi chiche que sa purée est riche en légumes: «La quantité de brocoli peut naturellement varier selon les préparations.»
Farmer Yogourt Crunchy Pecan (Migros)
Moins d’une demi-noix
Les nombreuses noix de pécan qui parsèment la photo et le nom même du produit donnent l’impression au consommateur qu’il va s’en mettre tout plein sous la dent. Mais, la déception sera à la hauteur de ses attentes, vu que la recette n’en contient qu’un minuscule 0,6%, à peine un cerneau.
Réponse du fabricant
Migros se défend de tromper le client en invoquant le fait que l’illustration n’est, ici aussi, qu’une photo prétexte. Toujours est-il que le distributeur promet que la proportion de noix de pécan sera augmentée à 1,5% dès le deuxième trimestre de cette année.
Snacketti Onion Rings (Zweifel) Crusti Croc Onion Rings (Lidl)
De la poudre aux yeux
Aucun risque que les «rondelles d’oignons» vantées sur ces deux emballages vous fassent pleurer: il n’y en pas! A peine 3% d’oignon en poudre dans les Crusti Croc, de Lidl, composés, en réalité de maïs et d’huile de tournesol. Pas mieux pour les Snacketti, de Zweifel, qui sont aromatisés exactement de la même manière.
Réponse des fabricants
Ces quelques grammes de poudre de légumes sont suffisants aux yeux de Lidl pour lui permettre d’affirmer qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Zweifel estime, lui, que la photo évoque clairement une préparation cuite au four.