Ingrédient de base par excellence, la farine se conjugue de plus en plus au pluriel. Il en existe effectivement des dizaines de variétés différentes. Il y a les farines de froment, de seigle ou d’épeautre, les farines blanches, mi-blanches, bises ou complètes, revitaminées ou non, à pizza ou pour tresse, avec ou sans graines… sans parler des mélanges prêts à l’emploi, qui contiennent déjà du sucre, du beurre, du sel et de la levure pour la plupart.
Afin d’y voir plus clair, nous avons visité, avec nos confrères de On en Parle (RSR, La Première), les six principales enseignes de Suisse romande. Notre sélection s’est restreinte aux farines dites normales, produites exclusivement à partir du froment (blé tendre). Elles représentent environ 95% des volumes écoulés en Suisse. Qu’est-ce qui différencie ces farines entre elles? Leurs valeurs nutritives ou boulangères varient-elles fortement? Est-il utile d’acheter une farine revitaminée? Comment s’expliquent les différences de prix? Autant de questions auxquelles ont répondu Pascal Favre, minotier, ainsi que Muriel Jaquet et Laurence Margot, diététiciennes respectivement auprès de la Société suisse de nutrition (SSN) et des Ligues de la santé (Vaud).
Types de farines
En Suisse, l’ordonnance sur les céréales, les légumineuses, les protéines végétales et leurs dérivés distingue quatre types de farines normales, selon leur teneur en sels minéraux.
- La farine blanche ou fleur, dont la teneur en sels minéraux est égale ou inférieure à 0,63% de sa masse. Il s’agit de la farine la plus raffinée, essentiellement obtenue à partir du cœur du grain de blé.
- La farine mi-blanche, dont la teneur en sels minéraux se situe entre 0,64% et 0,90%. Légèrement moins raffinée, elle est obtenue après extraction de la fleur de farine.
- La farine bise, avec un taux situé entre 0,91% et 1,69%, contient une partie des enveloppes extérieures du grain.
- La farine complète enfin, dont la teneur en sels minéraux est égale ou supérieure à 1,7%. Elle s’obtient à partir du grain entier.
Pas moins de 29 farines disponibles chez Aldi, Casino, Coop, Denner, Manor et Migros entrent dans l’une de ces quatre catégories, malgré des dénominations qui prêtent parfois à confusion (voir tableaux ci-dessous et en page 47). Les produits étiquetés «farine pour tresse», «farine de froment», «farine ménagère» ou encore «farine panifiable» appartiennent ainsi tous à la famille des farines blanches ou fleur. Une précision absente de l’emballage de trois d’entre eux, contrairement aux exigences légales: contactés à ce sujet, Denner, Manor et Migros ont déclaré vouloir y remédier dans les mois qui viennent.
Valeurs nutritives
D’un point de vue nutritif, toutes les farines sont des aliments riches en glucides et pauvres en graisses. Elles se différencient principalement par leur teneur en fibres alimentaires, en sels minéraux et en vitamines – surtout présents dans la partie externe du grain de blé. Conséquence: moins la farine est raffinée, plus elle en est riche. A titre d’exemple, les farines complètes de notre sélection contiennent en moyenne 10,3 g de fibres alimentaires pour 100 g, contre 3,6 g pour les farines blanches.
Afin de compenser la perte en vitamines des farines raffinées, ces dernières sont parfois «revitaminées», de façon à retrouver – à meilleur prix – les taux de la farine complète. Trois produits d’Aldi, de Casino et Denner sont concernés. L’utilisation de farine fleur revitaminée permet d’augmenter l’apport en vitamines du groupe B, qu’une alimentation à base de produits raffinés (pain blanc, riz, pâtes, etc.) tend à négliger. Toutefois, les consommateurs réguliers de farine privilégieront l’utilisation de farines bise ou complète, qui augmentent également l’apport en fibres alimentaires.
Valeurs boulangères
Toutes les farines de froment sont panifiables, c’est-à-dire utilisables pour faire du pain. Mais, afin de donner une pâte de bonne qualité, la farine doit contenir de l’amidon et, surtout, des protéines en suffisance. L’amidon alimente la levure, de façon à assurer une bonne libération du gaz carbonique, tandis que les protéines – ou gluten – retiennent ce dernier à l’intérieur de la pâte.
Le problème, c’est que la teneur en protéines des farines fleur vendues dans les grandes surfaces est souvent inférieure au minimum de 11,5 à 12% préconisé par l’Association suisse des boulangers. La raison? Afin de proposer un produit d’appel à un prix plancher, les distributeurs exigent généralement l'utilisation d’un blé bon marché, de qualité inférieure. Dès lors, pour réussir sa tresse «maison», l’analyse de l’étiquette – ou la lecture de notre tableau – s’impose! Avec 12% de protéines, les quatre farines de Migros, la farine vitaminée de Denner et les deux farines bio de Coop sont tout à fait indiquées. Les farines fleur pauvres en protéines, quant à elles, conviennent mieux à la confection de pâtes à biscuits ou à pizza. C’est notamment le cas de deux des trois farines d’Aldi, de la farine de cuisine de Denner et de la farine bio de Manor, qui ne contiennent que 10% des précieuses protéines.
Labels et provenance
Sans surprise, les farines les plus chères de notre assortiment sont toutes frappées d’un label biologique. Qu’il s’agisse de Coop Naturaplan, Manor Bio Natur Plus ou Migros Bio, ces sigles garantissent un mode de culture respectueux de l’environnement, excluant notamment tout usage de pesticides, d’engrais chimiques ou d’herbicides. Revers de la médaille: peu cultivés en Suisse, les blés biologiques sont en grande partie importés.
En revanche, des labels comme Suisse Garantie ou TerraSuisse (Migros) distinguent des produits en provenance exclusive du pays ou de ses zones frontalières. Quant au logo FSC utilisé par Coop, il certifie que l’emballage provient d’une forêt exploitée de façon durable.
Frank-Olivier Baechler
Pour télécharger le tableau comparatif des produits, se référer à
l'encadré au-dessous de la photo.
Poids réel des paquets
Nous avons pesé nos 29 paquets de farine. Sur la balance, leur poids variait entre 970 g et 1030 g. Surprenant? Pas tant que cela. Les différences de poids relèvent de phénomènes physiques. Ainsi, l’humidité de l’air et la température ambiante influencent le taux d’humidité de la farine. Lorsque l’air est sec, par exemple, elle perd jusqu’à 5% de son humidité. Ignoré du grand public, ce phénomène est bien connu des boulangers qui savent que en été, la farine perd de son volume, alors que celui-ci augmente en cas de fortes pluies. D’autres produits connaissent des fluctuations similaires, comme les pâtes sèches qui perdent jusqu’à 2% de leur poids.
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