Dans la gamme des numéros érotiques, prévisions astrologiques et autres services téléphoniques à valeur ajoutée, un nouveau type d’arnaque a fait son apparition en Suisse romande. Depuis quelques mois, journaux et magazines regorgent de publicités proposant de personnaliser son portable avec des sonneries ou des logos qui s’affichent sur l’écran. Vu le ton des publicités et le type même des prestations proposées, ces services s’adressent d’abord aux adolescents... qui ne manquent pas de se laisser tenter, comme en témoigne l’histoire vécue par Luciano Lopes.
Lorsqu’il a reçu sa facture de mobile de juillet, ce père de famille jurassien a cru défaillir: alors que sa note s’élève d’ordinaire à une soixantaine de francs, le document indiquait cette fois 854 fr.!
Un coup d’œil sur le détail de la facture lui fait comprendre que l’essentiel du montant provient d’appels adressés à l’un de ces services à valeur ajoutée. Son fils, âgé de 11 ans, avait passé près de trois heures à télécharger des images et des musiques. Sans se soucier, bien-sûr, du tarif, soit 4,23 fr. par minute.
Pièges bien tendus
A en croire les opérateurs téléphoniques, le cas de notre lecteur n’a rien d’exceptionnel. Ce qui n’est pas étonnant, vu l’habileté avec laquelle les pièges sont tendus. Comme c’est presque toujours le cas avec les services à valeur ajoutée, le coût de l’appel apparaît en minuscule dans un coin de la publicité. Et les proies sont faciles, puisque les jeunes sont généralement peu soucieux des factures téléphoniques, souvent payées par les parents.
Ces entreprises n’ont évidemment pas oublié de mettre en place des stratagèmes pour maintenir la personne en ligne le plus longtemps possible. Le petit test effectué par notre rédaction le prouve: pour télécharger une sonnerie, nous avons été contraints de suivre les instructions d’une voix préenregistrée pendant 3 minutes, et ce à deux reprises, puisque la première musique, censée arriver sur-le-champ, nous est parvenue 24 heures plus tard! Croyant à une erreur de manipulation, nous avons donc répété l’opération. Au total, notre nouvelle sonnerie nous a donc coûté 25 fr...
Contestation difficile
Pour se préserver des contestations, ces services rendent leur identification difficile: rares sont les publicités qui indiquent un numéro de service à la clientèle. Pour atteindre la société (sans nom... mais répondant au numéro 0901 902 800) à laquelle nous avons commandé notre sonnerie, nous avons dû passer par les renseignements internationaux (à 2,50 fr./min.), l’adresse figurant sur la publicité étant établie en France. Il nous a ensuite fallu rappeler quatre fois (le personnel étant occupé) pour nous entendre dire, sur un ton franchement agressif, que «l’entreprise ne s’exprimait pas sur ses activités».
Inutile, dès lors, de préciser que ces services sont à bannir. D’autant qu’il existe un autre moyen, bien meilleur marché, de télécharger des logos et sonneries. En effet, les trois opérateurs mobiles (Swisscom, Orange et Sunrise) offrent aussi la possibilité à leurs clients de commander de tels gadgets pour mobiles via SMS. La liste des icônes et musiques proposées est certes moins fournie, mais la différence de prix vaut le sacrifice: 1 fr. le message chez Sunrise, 50 ct. chez Swisscom et Orange (chez ce dernier, le coût baisse encore en fonction du nombre de commandes).
Bloquer la ligne
Pour éviter toute mauvaise surprise, on peut aussi bloquer l’accès aux numéros 0900/0901 et 0906. Sur les lignes fixes, cette prestation est possible quel que soit l’opérateur utilisé, mais avec quelques restrictions (lire en p. 23). Coût: 18 fr. à l’activation, puis 3 fr. par mois.
Sur les mobiles, seuls Sunrise et Orange offrent ce service (taxe unique de 10 fr. chez Sunrise, gratuit chez Orange). Les utilisateurs du réseau Swisscom sont donc astreints à utiliser les cartes à prépaiement comme garde-fou, puisqu’elles limitent l’utilisation de l’appareil au montant du forfait.
Sophie Pieren
opérations marketing
Migros et le Touring-Club Suisse dupés
Le TCS se lance-t-il vraiment dans le commerce douteux des logos et sonneries pour portables? On pourrait le croire en découvrant, dans le dernier magazine Touring, de telles propositions renvoyant à l’adresse internet www.tcslogo.ch. Reto Kammermann, responsable des publications au TCS, s’en défend: «Nous ne sommes pas les instigateurs de cette publicité», assure-t-il. Sans pour autant donner le nom de l’entreprise qui l’a insérée dans son magazine. Pour se disculper, il souligne en revanche que Migros fait de même...
Sitôt entendu, sitôt vérifié: effectivement, une telle publicité figure dans un récent numéro du magazine Construire, renvoyant cette fois à l’adresse www.mlogo.ch! La réaction du géant orange a été encore plus édifiante: personne n’avait remarqué que cette adresse Internet pouvait être assimilée à la Migros...
Publicité mensongère
Dans les deux textes publicitaires pourtant, on berne le lecteur. On lui promet en effet que, s’il est habile, il pourra rapatrier un logo en 40 secondes. Nous avons essayé: il est impossible de faire quoi que ce soit durant une bonne minute et il nous a fallu 3 minutes et 42 secondes pour arriver à notre fin. Coût de l’opération: 15,65 fr.!
Une somme que va encaisser la firme DDD Com, établie au Liechtenstein. Laquelle reconnaît utiliser délibérément le nom du TCS et de la Migros: elle espère ainsi gagner la confiance des lecteurs, qui croient avoir affaire à un service de leur publication! Et elle continuera ainsi sans vergogne tant que personne ne réagira...
S. Pi