On l’appelle «sylvaner» en Allemagne ou ailleurs, les Valaisans l’ont baptisé «johannisberg». Il a longtemps paradé comme noble alternative au fendant auprès du grand public. Mais, au cours des trois dernières décennies, sa position s’est affaiblie. C’est que la viticulture valaisanne a fait sortir de leur confidentialité d’autres cépages comme l’arvine ou le savagnin blanc (païen) qui lui font concurrence.
Le johannisberg a néanmoins conservé une place centrale dans le vignoble du Vieux-Pays. Car, même si sa surface de production a baissé en l’espace de vingt-cinq ans (lire encadré), elle reste la plus importante parmi les variétés «blanches» derrière le chasselas (fendant). L’offre est donc pléthorique dans les supermarchés, surtout dans les vins d’entrée de gamme. C’est ce que nous avons pu constater en sélectionnant onze bouteilles à moins de 20 fr.
Peu glamour mais efficace
A la dégustation, ces johannisbergs n’ont pas déçu. Mais ils n’ont pas «déçu en bien» non plus, comme on aime le dire dans notre coin de pays. Ce manque d’émotions se traduit par les appréciations de notre jury: aucune note dithyrambique ou, a contrario, catastrophique. Pour ne voir que le verre à moitié plein, on dira que ces blancs sont fidèles à ce qu’on peut attendre d’un johannisberg vendu à un tel prix dans une grande surface.
Le mieux noté est l’un des moins chers du lot (10.90 fr.). Vendu exclusivement chez Landi, c’est l’opposé même du vin d’artisan. Il est commercialisé par les Caves Garnier – filiale de Fenaco comme Landi – qui achètent du moût de raisin auprès des vignerons romands pour le vinifier à Münchenbuchsee (BE). Le contexte est aussi peu glamour que son étiquette, mais le résultat est convaincant: «C’est un vin plaisant avec de beaux arômes de fruits jaunes bien mûrs. Il est assez discret au nez, mais la bouche est bien équilibrée entre l’alcool et l’acidité», note Claudio De Giorgi.
Des visages hétéroclites
Le johannisberg de la Cave de l’Orlaya, à Fully, termine tout près avec une note de 14.6 points. C’est un blanc au caractère très différent: «Il est vif, puissant et élégant à la fois, même si l’alcool est un peu trop présent», relève René Roger.
Son exubérance tranche avec le johannisberg de la Cave sierroise St-Georges qui se classe au troisième rang: «La bouche et le nez sont discrets. C’est un très bel exemple du cépage et l’un des seuls vins de notre dégustation qui est vraiment sec», souligne Thibaut Panas.
C’est d’ailleurs sur le plan de la sucrosité que les disparités ont été les plus marquées. Les différences de terroir dans la vallée du Rhône, le choix de la période de la vendange et de la vinification sont autant de variables qui marquent fortement le caractère des johannisbergs. Le consommateur peut ainsi tomber sur un blanc sec comme celui de la Cave St-Georges ou sensiblement plus doux comme le Hurlevent des Fils de Charles Favre. Loterie inévitable lorsqu’on achète son vin dans un supermarché plutôt qu’auprès d’un vigneron directement.
Yves-Noël Grin
Evolution
Les spécialités se réveillent
Le visage du vignoble valaisan a profondément changé au cours des vingt-cinq dernières années. Ce n’est pas une vue de l’esprit, mais la réalité des chiffres de l’Office cantonal de la viticulture. On constate d’abord que les cépages blancs ont perdu du terrain face aux rouges en occupant que 38,8% du vignoble en 2015 contre 46,6% en 1991. Ensuite, c’est la dégringolade du chasselas qui interpelle: s’il reste de loin le plus répandu des blancs, sa surface a fondu de 1875 hectares (ha) à 879 ha en l’espace de vingt-cinq ans.
Pendant la même période, le johannisberg n’a perdu que quelques plumes (-13 ha) pour dénombrer 258 ha en 2015. Mais, derrière lui, deux blancs ont explosé: l’arvine a vu sa surface bondir de 39 ha à 196 ha et le savagnin blanc (païen ou heida) de 14 ha à 157 ha! La majorité des autres blancs, comme le chardonnay, la marsanne (hermitage) ou le pinot gris, ont progressé plus modestement.