Le bruit du trafic routier prive les habitants de sommeil et augmente le risque d’hypertension ou de crise cardiaque. Il y a dix ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) présentait des chiffres alarmants pour la Suisse: 3,7 millions de résidents étaient exposés au bruit du trafic routier à hauteur d’au moins 55 décibels pendant la journée. La nuit, près de 2 millions de personnes étaient gênées par le bruit de la circulation routière.
Selon l’OMS, les effets négatifs sur la santé augmentent sensiblement au-delà de 50 décibels et peu de progrès ont été réalisés, ces dernières années. Car l’augmentation du trafic automobile a contrebalancé l’effet des murs et des fenêtres antibruit. En 2020, l’Agence européenne pour l’environnement a constaté que le taux de pollution sonore est plus élevé en Suisse que dans 32 autres pays en Europe.
Protection des piétons
Les experts de la santé demandent donc que le bruit du trafic routier soit combattu à la source. Avec l’avènement de la voiture électrique, une opportunité unique s’est présentée: conduire sans bruit de moteur est devenu possible. Mais l’industrie, avec l’aide des autorités, est parvenue à sauver le bruit des voitures.
Depuis le 1er juillet 2019, tous les nouveaux modèles de voitures électriques dans l’Union européenne (UE) doivent être équipés d’un système d’avertissement acoustique du véhicule (AVAS), conçu pour protéger les piétons. Il est censé les mettre en garde contre les voitures électriques silencieuses. C’était, du moins, l’intention de la Commission européenne.
Un bruit artificiel doit être émis au démarrage, en marche arrière et jusqu’à ce que la vitesse atteigne 20 km/h; à des vitesses plus élevées, le frottement des pneus sur la route s’avère suffisant pour être entendu.
Comme une voiture de sport
Certaines voitures électriques, comme la E-Golf ou la Renault Zoe circulent déjà avec un générateur de bruit. Ces modèles vrombissent discrètement jusqu’à 20 km/h. A partir du 1er juillet 2021, l’installation du système AVAS sera obligatoire sur toutes les voitures électriques.
Mais elles seront également autorisées à générer un son artificiel au-delà de 20 km/h et s’avérer aussi bruyantes qu’une voiture de sport. «A des vitesses supérieures à 20 km/h, les limites de bruit habituelles pour les véhicules routiers s’appliquent», explique Thomas Rohrbach de l’Office fédéral des routes (OFROU). En clair: à partir de juillet, un niveau sonore maximal de 75 décibels s’appliquera aux voitures électriques, soit le niveau sonore autorisé pour les voitures à essence en Europe.
Du son pour «un lien émotionnel»
Dans le modèle E-Tron GT d’Audi, les conducteurs peuvent ainsi régler le système sonore de manière à ce qu’il fasse plus de bruit à grande vitesse.
Audi explique que «les sons de conduite créent un lien émotionnel avec le véhicule». La marque offre la possibilité d’acheter un «pack sonore» en option, avec des haut-parleurs supplémentaires à l’arrière et sur les portes. AMG, une division de Mercedes, a même élaboré un concept sonore avec un groupe de rock metal, afin que le son «rugueux» de AMG soit conservé pour les voitures électriques.
Avantage artificiellement détruit
L’Agence fédérale allemande pour l’environnement a déconseillé à l’UE l’installation de générateurs de bruit sur les véhicules électriques «du point de vue de la protection contre le bruit». Ferdinand Dudenhöffer, professeur d’université et économiste allemand, spécialiste des automobiles, estime qu’il est aberrant de «détruire artificiellement les avantages des voitures électriques, à savoir leur conduite plus silencieuse».
Un avis que n’ont pas entendu les autorités de l’UE et de la Suisse. Selon l’OFROU, il s’agit d’une question de «sécurité pour les groupes de personnes les plus vulnérables». Soit les personnes âgées ou malvoyantes et les enfants. En réponse à Bon à Savoir, qui lui a demandé si les accidents corporels liés aux voitures électriques silencieuses ont augmenté, l’OFROU a répondu qu’aucune différence n’est faite dans les statistiques selon le type de propulsion des voitures de tourisme. L’argument de la sécurité avancé par les autorités ne peut être étayé par aucun chiffre. Et s’avère plutôt un prétexte permettant de respecter le souhait de l’industrie automobile.
Michael Soukup / ld
Ces bruits néfastes pour la santé
120 décibels
Décollage d’un avion
110 décibels
Enceintes à pleine puissance dans une voiture
90 décibels
Bruit de camion
75 décibels
Limite de bruit pour les voitures de tourisme
70 décibels
Tondeuse ou souffleuse à feuilles
50 décibels
Seuil pour l’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire
50 décibels
Bruit de la circulation dans une rue calme
Sources: Oxford University Press et Association Journée nationale de l’audition