C’est vrai et il faut s’en réjouir: l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, particulièrement en Suisse où elle est l’une des plus élevées du monde. Revers de la médaille: une retraite prolongée nécessite une épargne renforcée. D’où, en 2003, la décision de baisser le taux de conversion (lire p. 18) de 7,2% à 6,8% entre 2005 et 2014. Cinq ans plus tard, le Parlement a toutefois décidé de revenir sur ses positions et de passer à 6,4%, d’ici à 2016 vraisemblablement. Est-ce vraiment nécessaire?
Non, comme va le démontrer le calcul suivant. Et voici pourquoi nous avons participé au référendum refusant cette deuxième baisse.
Deux critères
Le taux de conversion est calculé en fonction de deux critères surtout:
- la durée de vie moyenne des assurés après la retraite, durant laquelle une rente devra être versée;
- le taux de rendement du capital (appelé taux technique), qui permet de le faire fructifier durant sa consommation.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit donc de prévisions, et non de chiffres absolus. Pour justifier les réductions, les assureurs ont dès lors intérêt à miser sur un prolongement maximal de la durée de vie théorique et sur un rendement minimal des marchés, ce qu’ils ne se gênent pas de faire.
Espérance de vie
Pour calculer l’espérance de vie des futurs retraités, il existe ainsi plusieurs tables de mortalité. Faut-il s’en étonner? Celle des assureurs (GRM/F 95), qu’ils concoctent eux-mêmes, est la plus large, affichant des âges supérieurs de presque une année et demie par rapport à la moyenne de toutes les autres tables. Mais le Conseil fédéral n’est pas en reste, lui qui brandit, aujourd’hui, celle de la caisse de pension de la Ville de Zurich VZ 2005, en oubliant de préciser qu’elle assure une population dont la durée de vie est supérieure à la moyenne (lire le premier point de la page 20).
Officiellement, la plus récente échelle neutre établie par l’Office fédéral de la statistique retient pour 2015, dans le scénario «haute espérance de vie», une durée de vie après la retraite de 17,82 ans pour les hommes et de 21,82 ans pour les femmes, soit, pour le calcul des rentes, une moyenne mixte légèrement supérieure à dix-neuf ans. L’échelle VZ 2005 retient quant à elle 20,37 ans pour les hommes et 23,10 ans pour les femmes, soit, pour le calcul des rentes, 21,2 ans environ.
Taux de rémunération
L’autre pierre d’achoppement, c’est le taux de rémunération espéré, duquel les caisses ont l’habitude de soustraire 0,5% (marge sécuritaire + frais administratifs). Dans l’argumentaire qui a lancé la campagne le 7 décembre dernier, le Conseil fédéral a estimé que le taux attendu pouvait être de 4,3% en moyenne, ce que confirment nombre de spécialistes hors assurances. Pour les caisses, cela représente un taux effectif de 3,8%.
Le calcul
Dès lors, un simple calcul le démontre (voir graphique ci-dessous): avec un taux technique de 3,8%, un capital peut servir une rente mixte (homme et femme) moyenne durant 21,5 ans avec un taux de conversion de 6,8%, et durant 23,75 ans avec un taux de conversion de 6,4%.
Le compte y est!
Un taux de conversion de 6,8%, d’ores et déjà retenu pour 2014, suffit donc largement. Et il sera toujours temps, au cas où l’espérance de vie augmente au-delà des prévisions, ou si les marchés n’arrivent vraiment pas à se relever, de corriger le tir plus tard, puisque, désormais, la Confédération a l’obligation de faire le point tous les cinq ans.
Christian Chevrolet