C’est une bonne nouvelle! Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires du canton de Genève n’a trouvé aucun pesticide dans les quinze paquets de spaghettis que Bon à Savoir et On en parle (RTS-La Première) lui ont confié. Et ce n’est pas faute d’avoir procédé à de minutieuses analyses, puisque les spécialistes ont recherché près de 350 insecticides, fongicides, acaricides, herbicides, métabolites et nématicides. En mars 2014, le test que nous avions mené sur les mêmes produits, avec les mêmes critères, s’était conclu par des résultats bien moins réjouissants: la moitié des paquets analysés contenait des traces de pesticides, comme le rappelle notre tableau
ci-dessous.
Intervention des détaillants
Comment expliquer une telle différence? A en croire certains détaillants, leur intervention n’y serait pas étrangère. «Le test de 2014 avait été transmis à notre fournisseur. Il lui a été demandé d’y remédier immédiatement», assure ainsi Frédéric Jacquemoud, du service de presse d’Aldi Suisse. «Lidl est intervenu auprès du fabricant pour obtenir une prise de position», précise, quant à elle, Corina Milz, responsable de la communication du hard discounter. De son côté, Denner aurait convenu avec son fournisseur de spaghettis que ce dernier procède à des analyses régulières en portant une attention particulière à la présence de résidus de pesticides, écrit son porte parole Thomas Kaderli.
Manor a, en revanche, changé entre-temps de fournisseur, mais cela a été fait «pour des raisons de qualité/prix» et n’avait aucun lien avec les traces de pirimiphos-méthyl dans le produit. Enfin, chez Coop, cinquième détaillant concerné par la présence de pesticides en 2014, le discours est différent. «Les produits conventionnels peuvent toujours présenter des traces de pesticides, écrit Ramón Gander, porte-parole du géant orange. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur les raisons possibles qui ont fait que, cette fois-ci, les échantillons en étaient complètement exempts.»
Résultats susceptibles de varier
Dans quelle mesure l’intervention revendiquée de certains détaillants auprès des fabricants a–t-elle influencé les choses? Difficile de le savoir, même si l’on est en droit d’émettre certains doutes. Car, selon Patrick Edder, chimiste cantonal genevois, qui s’est penché sur notre test actuel et celui de 2014, les résultats d’analyse peuvent varier d’un échantillon à l’autre. En effet, les fabricants s’approvisionnent auprès de différents fournisseurs qui, eux-mêmes, achètent le blé à plusieurs producteurs. Selon les circonstances, certains vont utiliser des pesticides sur les champs ou dans les silos de stockage. Il est donc tout à fait possible qu’un paquet de spaghettis ne renferme pas de pesticides et qu’un autre, de la même marque, mais élaboré une ou deux semaines plus tard avec des matières premières provenant d’autres producteurs, en contienne!
En outre, Patrick Edder note que, il y a deux ans, «les valeurs découvertes étaient très faibles et se situaient quasiment aux limites de détection de nos méthodes». Il n’est pas impossible que, cette fois, certains pesticides soient bel et bien présents, juste au-dessous des limites détectables. Mais, si la toxicité de faibles quantités de pesticides dans les spaghettis fait débat (lire encadré), il est bien évidemment toujours préférable de ne pas en trouver du tout!
Sébastien Sautebin
Dans le détail
Toxique, même à faibles doses?
De manière générale, Patrick Edder estime que les spaghettis n’est pas l’aliment le plus contaminé par les pesticides. Le problème concerne davantage les produits végétaux de base, fruits et légumes. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille écarter la question des pâtes alimentaires d’un revers de la main. «Les insecticides phosphorés que nous avons trouvés en 2014 sont quand même assez toxiques et attaquent le système nerveux central», souligne ainsi le chimiste cantonal genevois. Il est d’avis que les pesticides constituent, en fait, un problème global. En effet, même lorsqu’une seule substance critique est décelée en très faibles quantités dans un produit, il faut songer que, en une journée, un consommateur peut ingérer plus d’une dizaine de pesticides en consommant des pâtes, une salade, des fruits et un verre de vin. Il en résulte un cocktail de composants dont les effets conjugués à long terme sont très mal connus. Un avis qui était aussi celui, recueilli il y a deux ans (lire «15 paquets de spaghettis: traces de pesticides toxiques», BàS 3/2014) de François Veillerette, porte-parole de l’association française Générations futures pour la défense de l’environnement. Ce dernier estimait que les fœtus et les jeunes enfants sont les plus menacés par le phénomène.