Patrick*, comptable dans le Jura, n’en revient toujours pas. Une copine, ex-vendeuse de Tupperware et de produits de beauté, a débarqué un soir chez lui pour lui proposer de conclure un 3e pilier chez First insurance. Elle lui a fait miroiter un taux d’intérêt de 9% et des possibilités de déduction fiscale. Mais elle n’a pas été en mesure de répondre à toute une série de questions. Impossible, entre autres, de savoir s’il s’agissait bien d’un 3e pilier A, dont les primes peuvent être déduites du revenu imposable.
Quelques semaines plus tard, l’hôtesse revient avec l’un de ses supérieurs, qui clarifie la situation: le produit de First est un troisième pilier B lié à des fonds de placement, dont les primes ne sont pas déductibles du revenu. Patrick n’a pas signé: il en est quitte pour une bonne dose d’énervement.
Marc* a eu moins de chance: également approché par une connaissance (pas la même que celle de Patrick), il a signé le contrat de First insurance tout en croyant conclure un 3e pilier A. Il s’est finalement aperçu qu’il avait souscrit à un 3e pilier B. Certes, il pourrait aller en justice en disant qu’il a été induit en erreur. Mais il devrait alors apporter la preuve de ses allégations.
Pas de salaires
First insurance, filiale d’Aspecta, une compagnie allemande basée au Liechtenstein, a débarqué en Suisse il y a un an et demi, avec une méthode de vente inédite dans le milieu des assurances: la vente en réseau, jusque-là réservée à des produits comme les Tupperware ou les produits de beauté.
Le principe: les collaborateurs ne sont pas salariés, mais ils touchent une commission sur le produit de leurs ventes. Et lorsqu’ils recrutent eux-mêmes de nouveaux collaborateurs, ils obtiennent également une part du bénéfice des ventes de leurs «protégés». Mais ce n’est pas tout: lorsque ces «protégés» se muent à leur tour en intermédiaires, les affaires conclues par les «protégés» au deuxième degré profitent également à celui qui est au sommet de l’échelle. Et chez First, il peut y avoir jusqu’à vingt et un échelons!
Méthode redoutable
Parfaitement légale, cette méthode est redoutable, puisque les collaborateurs se tournent en premier lieu vers leurs amis et connaissances. Rien de bien grave lorsqu’il s’agit de cosmétiques, mais cela devient franchement plus gênant lorsque l’on est en présence d’assurances, avec des milliers de francs de primes par an!
Comme aux USA
Kurt Schneiter, juriste à l’Office fédéral des assurances privées (l’autorité de surveillance) en convient: «Nous n’aimons pas beaucoup cette façon de vendre, car les agents ne connaissent parfois pas bien leurs produits. Mais en Suisse, les méthodes de vente ne sont pas contrôlées.»
Chez First insurance, on assume totalement le procédé. On en est même fiers. «Aux Etats-Unis, une bonne partie des affaires se concluent ainsi», argumente Thomas Wiederkehr, responsable pour la Suisse romande, qui est par ailleurs très fâché des déconvenues subies par nos deux lecteurs: «Nos collaborateurs ne vendent que des 3es piliers B liés à des fonds de placement, qu’ils connaissent très bien. Ils suivent un séminaire de base, puis un cours hebdomadaire. Mais comme dans toute profession, il peut y avoir des moutons noirs.»
Pour que les choses soient claires: First insurance propose un 3e pilier B lié à des fonds de placement, c’est-à-dire une assurance-vie dont les primes ne sont pas déductibles du revenu. Si le contrat a duré dix ans ou plus, le capital touché à l’échéance sera en revanche franc d’impôts sur le revenu, mais pas sur la fortune. Quant au taux de 9%, il n’est nulle part garanti!
Suzanne Pasquier
*Prénoms d’emprunt.
avant de conclure
Règles de prudence
• Comme pour un autre produit, il est indispensable de comparer les offres – écrites – de plusieurs compagnies.
• Lorsque les possibilités de déductions fiscales ne sont pas claires, mieux vaut consulter un spécialiste. En matière de 3e pilier, il existe en effet une «zone grise», comprenant des produits qui ne sont pas clairement identifiables comme 3e pilier A ou 3e pilier B.
• Concernant First insurance, le contrat peut être dénoncé dans les «14 jours après avoir eu connaissance de la conclusion du contrat». Cette clause fait partie des conditions générales et résulte d’un accord avec le Lichtenstein. Rien de semblable, en revanche, n’existe pour les compagnies suisses.