La «dette alimentaire» ouvre le chapitre du
Code civil traitant de
la famille. Elle consacre l’obligation de «fournir des aliments» à ses parents en ligne directe, ascendante (les parents) ou descendante (les enfants majeurs) en passe de se trouver dans le besoin. Depuis l’an 2000, l’assistance aux frères et sœurs est supprimée et seules les personnes qui «vivent dans l’aisance» peuvent être sollicitées.
La dette alimentaire se distingue de l’obligation d’entretien envers un enfant majeur (voir BAS 3/2003), puisqu’elle peut seulement profiter à un descendant
qui a achevé sa formation et qui est censé vivre par ses propres moyens.
Ignorance générale
Cette obligation légale, décrite en termes plutôt vieillots, trouve-t-elle un écho dans la pratique? Une jeune juriste genevoise, Sylvie Masmejan, a mené l’enquête dans trois cantons romands: Genève, Valais et Vaud. Elle a réalisé une trentaine d’interviews au sein des services sociaux, tenus en principe de se tourner vers la famille avant d’accorder une aide*.
Premier constat: l’ignorance des modifications introduites en l’an 2000 est quasi générale. Ensuite, force est de reconnaître que la dette alimentaire n’est pas loin de tomber en désuétude lorsque parents et enfants ne vivent plus sous le même toit. Depuis quelques décennies, les liens familiaux se relâchent, les assurances sociales se développent, les personnes âgées bénéficient de systèmes d’aide qui ne relèvent plus de l’assistance publique.
Toutefois, le Valais fait exception, en se tournant fréquemment vers les familles des enfants majeurs. A Sion, on exige même la taxation fiscale des parents à chaque demande d’aide. «Cette prétention est abusive, affirme Sylvie Masmejan, car l’institution d’aide sociale ne peut pas demander des comptes aux parents avant même d’avoir fourni une prestation.»
Dans les cantons de Vaud et Genève, les parents sont toutefois régulièrement sollicités lorsqu’ils vivent sous le même toit que leurs enfants majeurs.
L’exemple de Genève
A Genève, par exemple,
l’aide sociale sera réduite dès que les parents du demandeur bénéficient d’un revenu de 2000 fr. après déduction de leurs charges (assurances, loyer, impôts). Il est pourtant douteux que la condition de l’aisance du débiteur (introduite par la nouvelle loi) soit réalisée, déplore Sylvie Masmejan. On risque au contraire de charger les familles les plus modestes, obligées de cohabiter pour réduire leurs dépenses.
Concernant l’aide aux toxicomanes, deux pratiques complètement différentes coexistent. Dans le canton de Vaud, les services sociaux n’invoquent pas la dette alimentaire, estimant inadéquat de raviver la dépendance d’un jeune toxico vis-à-vis de sa famille. A Genève et en Valais au contraire, on n’hésite pas à solliciter les parents, dans le but de les responsabiliser. Dans un domaine aussi important, il serait temps d’harmoniser les pratiques cantonales, relève Sylvie Masmejan.
Suzanne Pasquier
*Dette alimentaire, par Sylvie Masmejan, éditions Schulthess, Genève 2002, 133 pages, 40 fr.