«Avec deux amis, nous mangions au restaurant lorsque j’ai remarqué une petite caméra fixée au plafond. Cela m’a énervé car je me suis subitement senti observé», témoigne Claude-Alain*. Et il n’est sans doute pas le seul: de plus en plus d’établissements publics installent des systèmes de vidéosurveillance.
Le motif le plus souvent évoqué est celui de la sécurité. «Nous avons deux caméras, une à l’étage, qui filme le bar, et l’autre au rez-de-chaussée, qui pointe sur la porte d’entrée. Il s’agit de nous prémunir contre les cambrioleurs, mais aussi de protéger les clients. Certains laissent leur portemonnaie ou leur smartphone à l’intérieur lorsqu’ils sortent fumer. Il y a eu des vols et l’une de nos bourses a aussi disparu», explique Sandrine Pereira-Gomes, gérante du bistrot Chauffage compris à Neuchâtel.
OK pour la sécurité
Aux yeux de Pierre-Olivier Gaudard, chef de la Division prévention de la criminalité de la police vaudoise, installer des caméras à l’intérieur d’un établissement public est «indiscutablement utile» (lire encadré). Il n’empêche, cette pratique est susceptible de porter atteinte à la sphère privée des clients comme à celle du personnel. Elle est donc soumise à certaines conditions.
«La vidéosurveillance dans un restaurant est légale si les principes de la loi sur la protection des données (LPD) sont respectés. Cela signifie qu’elle n’est autorisée que si les personnes filmées ou susceptibles de l’être y consentent ou s’il existe un intérêt prépondérant, comme par exemple des raisons de sécurité», explique Silvia Böhlen, collaboratrice du préposé fédéral à la protection des données. De plus, la caméra doit notamment être installée de manière à ne saisir que les images nécessaires au but de la surveillance. Et il faut garantir qu’elles soient effacées aussi vite que possible.»
Concrètement, un restaurateur peut justifier un intérêt prépondérant en installant une vidéosurveillance pour prévenir et élucider les cambriolages. Mais tel n’est pas le cas s’il souhaite fournir des images en temps réel de son établissement sur son site web à des fins publicitaires. Il doit alors obtenir le consentement préalable des personnes filmées, et celles-ci doivent savoir ce qui se passe exactement. Dans la pratique, il est souvent impossible de demander l’accord de chaque client. Dès lors, par exemple, seuls quelques endroits précis, signalés par des avis bien visibles, pourront être filmés, laissant la liberté aux personnes de se rendre ou non dans le champ de la caméra. Ou, alors, il faudra garantir que l’identification des personnes filmées soit impossible (floutage, etc.).
En toute transparence
Cela dit, même lorsqu’il existe un intérêt prépondérant, la présence de caméras doit être signalée. «En raison de la transparence, un avis bien visible et bien placé suffit», explique Francis Meier, porte-parole du préposé fédéral à la protection des données. Notre lecteur, Claude-Alain, n’a, pour sa part, pas remarqué d’avis. Il est vrai que certains restaurateurs ont une opinion toute personnelle de ce qu’est une bonne visibilité quand ils n’omettent pas carrément d’informer…
Théoriquement, la crainte de notre lecteur d’être observé est infondée. «S’il s’agit de lutter contre les cambriolages, l’analyse des images ne devrait être normalement liée qu’à un cas concret», précise Francis Meier. Mais les restaurateurs respectent-ils tous les règles du jeu? Il est souvent très difficile, pour le simple citoyen, de pouvoir le vérifier. Si un client s’estime lésé, Francis Meier conseille de déposer une plainte civile ou de consulter un avocat.
Sébastien Sautebin
*Nom connu de la rédaction.
En pratique
Arrêtés grâce à Facebook
«Installer une caméra dans un restaurant pour lutter contre les cambriolages est utile, du point de vue de leur prévention et de leur résolution», affirme Pierre-Olivier Gaudard, chef de la Division prévention de la criminalité de la police vaudoise. Dans ce seul canton, une trentaine d’établissements publics sont la cible de cambrioleurs chaque mois. Le spécialiste leur conseille de se renseigner auprès du préposé fédéral à la protection des données pour bien connaître les règles à respecter.
Un exemple récent fait d’ailleurs polémique. Le fils d’un bijoutier veveysan, violemment braqué, a posté les images des agresseurs non cagoulés sur Facebook, ce qui aurait contribué à leur arrestation. «Mais diffuser ainsi des images sur un réseau social constitue une infraction à la loi sur la protection des données», souligne Francis Meier.