L’industrie alimentaire ne veut pas en entendre parler et les politiques ne semblent guère s’en préoccuper. Il suffirait pourtant d’exiger que l’emballage de chaque aliment transformé mentionne la part de sucres dans le poids des glucides, mais aussi celle des sucres ajoutés (lire page précédente) pour clarifier les choses. A défaut, le consommateur est prié de se débrouiller comme il peut, et il ne peut souvent rien du tout...
Prenons l’exemple des biscuits Petit Beurre de Coop. Le fabricant annonce 77 g de glucides dont 25 g de sucre (au singulier), pour 1,5 g de fibres seulement (voir photo 1). Ce qui revient à dire que 100 g de biscuits contiennent 52 g d’amidon et 25 g de sucres, sans savoir précisément lesquels, ni s’ils sont «naturels» (comme le lactose du lait en poudre et du beurre fondu utilisés dans la recette) ou ajoutés.
Yogourt
Autre exemple avec les yogourts. Normalement, un produit «nature» ne contient pas de sucres ajoutés. On peut donc en déduire que les 5 g annoncés sur le pot du M-Classic vendu à Migros (voir photo 2) correspondent au lactose naturel.
Du coup, on peut supposer que, si la version Moka affiche 14 g de sucres (photo 3), le fabricant en a ajouté approximativement 14 - 5 = 9 g, puisque le café ne renferme pas de sucre naturel.
Mais ce raisonnement est impossible à appliquer au yogourt à la fraise, qui affiche pourtant le même taux. Quelle part, en effet, provient du sucre que contient ce fruit par rapport à celui qui a été ajouté (photo 4)? Impossible de savoir, sauf si l’on connait la quantité exacte de fraises, mais aussi de concentré de jus de carottes (si, si...) ajouté au produit, ainsi que leurs teneurs respectives en sucres naturels.
Jus de fruits et nectars
On rencontre la même difficulté avec les nectars et les sodas. Pas de problème avec un jus de fruits, car cette appellation interdit l’ajout de sucres. Donc, quand l’étiquette du jus Granini affiche «8,8 g de glucides dont 8,8 g de sucres» (voir photo 5), on sait qu’il s’agit du fructose qui est naturellement présent dans les oranges pressées.
Une déduction impossible à faire avec un nectar multifruit. Sur l’emballage de Michel, par exemple, on peut lire que la boisson renferme au moins 50% de fruits et 11 g de glucides, dont 11 g de sucre (photo 6). Mais les parts de fructose présentes naturellement dans les fruits (orange, pêche, fruits de la passion) et celle de sucres ajoutés ne sont pas précisées.
«Or, il existe une différence primordiale, explique Doris Favre, diététicienne diplômée: le fructose naturel est forcément associé à d’autres nutriments essentiels contenus dans le fruit, comme les vitamines, les minéraux, les antioxydants, etc. Alors que le fructose pur ajouté par l’industrie ou le sirop de glucose-fructose fabriqué à partir de l’amidon du maïs, n’ont rien de tout ça.»
Moins de calories
Sur le plan calorique, en revanche, la substitution semble parfois intéressante. Car le fructose a un pouvoir sucrant entre 20% et 40% supérieur au saccharose. On peut donc en mettre moins pour obtenir le même goût, et, du coup, diminuer le nombre de calories. C’est pour cette raison qu’on a longtemps vanté ses mérites mais, aujourd'hui, sa surconsommation pose des problèmes de santé considérables, comme l’expliquait notre article «Diable de fructose» en juillet dernier. La subsitution semble encore plus vraie avec des édulcorants comme l’aspartame ou l’acésulfame qui sont 200 fois plus puissants que le sucre blanc pour un apport calorique très inférieur. Coca-Cola l’a bien compris, lui qui les a troqués contre le sucre dans son Coca Zéro, faisant passer la canette de 33 cl de 139 à 0,6 kcal! Reste que, pour certains, on échange la peste contre le choléra, l’usage de ces succédanés étant très décriés (lire encadré).
Plus pervers
Plus pervers encore, la loi permet parfois de jouer sur les mots et de cacher la vraie teneur en sucre d’un produit. Exemple avec les bonbons Prima Mocca de Migros (photo 7). Sur l’emballage, on peut lire 89 g, dont 62 g de sucres. Mais où est donc passé le solde (27 g), puisqu’il n’y a aucun ingrédient pouvant en contenir naturellement? Ce petit tour de passe-passe vient du fait que les bonbons sont essentiellement constitués d’un sirop de glucose composé d’une grande part d’oligosaccharides. Oligosaccharides que l’ordonnance fédérale ne considère par comme des sucres, alors que certains apportent tout autant de calories! C’est le cas de ces bonbons, puisque le produit affiche une valeur énergétique de 382 kcal qui, divisée par 4 (nombre de calories par gramme du sucre) donne 95, soit à peu près le poids des glucides...
Christian Chevrolet
Eclairage
Des édulcorants très décriés
Les substituts du sucre peuvent être divisés en deux catégories.
⇨ Les polyols (sorbitol, maltitol, mannitol, xylitol, isomalt, etc.) sont produits en laboratoire, mais proviennent de différents sucres d’origine végétale. Ils ont une teneur calorique à peu près identique au saccharose (4 kcal pour 1 g), mais, comme ils ont souvent un pouvoir sucrant supérieur, il en faut moins pour obtenir le même effet.
⇨ Les édulcorants de synthèse (aspartame, sucralose, acésulfame, saccharine, cylamate, etc.) sont, eux, issus de la transformation, en laboratoire, de différents composés chimiques. Un cas à part, car d’origine naturelle: la stévia*. Mais ce sont tous des aliments «vides»: ils ne contiennent ni nutriment ni calorie et ont un pouvoir sucrant 30 à 600 fois supérieur à celui du saccharose.
On devine leur potentiel – que l’industrie exploite à fond –, mais ces substituts sont de plus en plus décriés. Notamment parce que leur principal atout, la lutte contre la prise de poids, n’a jamais pu être prouvé sur le long terme. On l’explique, notamment, par le comportement de compensation: du moment où il y a moins de sucre, on consomme davantage de produits ou on se rattrape sur autre chose... Mais aussi – hypothèse de plus en plus documentée – parce que l’édulcorant envoie au cerveau le message du sucre, mais ne lui en apporte pas l’énergie (lire page 34). Dès lors, ce dernier refuserait de délivrer le signal de la satiété et le corps continuerait de réclamer son apport calorique.
D’autres risques sont régulièrement suggérés (effet cancérigène, accouchement prématuré, problèmes neurologiques) sans preuve scientifique établie. Voilà pourquoi les autorités sanitaires les autorisent, en recommandant de ne pas dépasser des «doses journalières acceptables» (DJA) très permissives.
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** Lire «La stévia joue les trouble-fêtes», BàS 2/2015.