Y a-t-il une vie après avoir rempli de hautes fonctions au service de l’Etat? Oui, et elle est plutôt confortable. Tout le monde connaît le parcours de ces anciens conseillers fédéraux recasés dans le privé à peine leur mission publique achevée: de Doris Leuthard, entrée au Conseil d’administration de Coop, à Moritz Leuenberger – enrôlé chez Implenia – en passant par Kaspar Villiger du côté de Nestlé.
Ce «pantouflage», quand un haut représentant de l’Etat se voit offrir un poste dans le privé après avoir quitté l’administration, concerne aussi les hauts fonctionnaires. Pour étoffer son Conseil d’administration, Nestlé proposera lors de sa prochaine assemblée générale, la candidature de Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, directrice du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) jusqu’au mois de juillet dernier.
Si le virage professionnel d’un politicien en vue fait souvent couler de l’encre, c’est moins le cas de hauts-fonctionnaires. Excellentes «pioches» pour les entreprises, leur profil peut aussi alimenter les soupçons de conflits d’intérêts.
L’ONG Public Eye ne s’est d’ailleurs pas privée de rappeler que, sous la direction de Madame Ineischen-Fleisch, le SECO a beaucoup œuvré en faveur de Nestlé. Et de citer le cas du Mexique. Ce pays, qui connaît un taux de surpoids record de 75%, a imposé, en 2019, des avertissements sur les produits trop gras, trop sucrés, trop salés ou trop caloriques. Un caillou dans la chaussure de l’industrie agro-alimentaire. Face au manque à gagner, Nestlé a sollicité l’aide du SECO, qui a bien volontiers relayé ses arguments au sein de l’Organisation mondiale du commerce, comme l’a révélé une enquête de la RTS.
Que Madame Ineischen-Fleisch rejoigne aujourd’hui Nestlé n’a rien d’illégal. Dans ce genre de cas, la loi suisse prévoit une «possibilité» d’imposer un délai de 12 mois, au maximum, entre deux fonctions. Les tentatives en faveur d’une réglementation plus stricte ont été balayées. Interpellés en 2019 par des parlementaires socialistes, les membres du Conseil fédéral s’y sont opposés au nom du libre choix de sa profession. Se laissant la possibilité de trouver, un jour peut-être, pantoufle à leur pied.
Geneviève Comby