Les produits bio sont de plus en plus populaires dans notre pays. En 2012, le secteur a réalisé un chiffre d’affaires record de 1,83 milliard de francs. Cette situation n'est pas sans incidence sur l'offre qui ne suit pas toujours la demande. Ainsi, il n'y a souvent pas assez de semences et de plants disponibles, par exemple de tubercules. De surcroît, il n'existe pas de semences spécifiquement bio pour de nombreuses variétés.
1000 dérogations
Dès lors, les producteurs contournent le problème en utilisant des semences et des plants issus de l’agriculture conventionnelle, suisse ou étrangère, puis vendent leurs produits sous label bio, à des prix plus élevés. Cette manœuvre est possible grâce aux dérogations délivrées par l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL), basé à Frick en Argovie. Un institut soutenu notamment par Coop à hauteur de millions de francs. Selon Bio Suisse, les agriculteurs bio ont déposé l'an passé près de 1000 demandes d’autorisation exceptionnelle. Cinq seulement auraient été rejetées. Ces dérogations concernent notamment des pommes de terre, oignons, fruits, baies, céréales, plantes fourragères, légumes et ail.
De quelle tailles les plants issus de l'agriculture conventionnelle doivent-ils être pour que le produit puisse ensuite être vendu comme bio? Le FiBL ne dit rien à ce sujet. Et pour les semences, la différence entre bio et conventionnel est plutôt ténue: il suffit qu'elles soient traitées avec des produits phytosanitaires approuvés par Bio Suisse.
10 à 20% de légumes bio totalement bio
Or, selon Amadeus Zschunke, directeur de l'entreprise de semences biologiques Sativa, à Rheinau (AG), les produits bio issus de semences conventionnelles nécessitent plus de produits phytosanitaires et d'engrais que ceux provenant de semences bio. Il estime que seuls 10 à 20% des légumes bio vendus en Suisse proviennent de semences bio.
Autre élément frappant: dans de nombreux cas, les producteurs n'ont même pas besoin d'autorisation pour utiliser du matériel conventionnel. D’après Bio Suisse, il existe une «autorisation exceptionnelle générale» lorsque l'offre en plants et semences bio est trop restreinte et quand les variétés désirées ne sont pas disponibles en version bio. Parmi les variétés concernées, différentes sortes de carottes, rampons, épinards, petits pois, chou-fleurs, brocolis, concombres, poireaux, asperges, poivrons, tomates et oignons.
Vers un durcissement?
Interpellé, l’Office fédéral de l’agriculture n’y voit aucun problème: «Sur un total de près de 6000 entreprises, les milles dérogations indiquent que l’approvisionnement avec du matériel de base biologique est plutôt bon».
Un changement de politique dans le domaine pourrait toutefois être induit par l’UE. La Commission européenne veut faire appliquer des conditions plus strictes, exigeant que les produits ne puissent être étiquetés bio que lorsque les semences et les plants le sont également. Une position que ne partage pas l’Office fédéral de l’agriculture, qui estime que, sans dérogations, il ne sera plus possible de proposer aux consommateurs autant de variétés de produits bio…
Sabine Rindlisbacher / seb