Penser l’économie différemment: certains en rêvent seulement. D’autres appliquent ce principe au quotidien. C’est le cas d’Edith Samba, présidente du SEL du Val-de-Ruz.
Du SEL? Mais de quoi s’agit-il, bougre? Apparu au Canada dans les années 1980 (lire encadré), le SEL, pour «système d’échange local», est une association de personnes vivant dans une même région, au sein de laquelle les membres proposent ce qu’ils ont à offrir et ce qu’ils aimeraient recevoir. Les offres et les demandes regroupent des biens, des services ou encore des savoirs et des compétences. On peut donc tout aussi bien offrir des œufs de poule contre des contes pour enfants, un cours de mathématiques contre la réparation d’une machine à laver le linge ou encore une garde d’enfants contre une télévision. Bref, les systèmes d’échange local regorgent de bons plans.
Je te donne, tu me donnes…
Concrètement toutefois, il ne s’agit pas de troc au sens traditionnel du terme, mais, plutôt, d’un échange multilatéral qui fonctionne de la manière suivante: si Paul donne un cours de piano à Marie, celle-ci devra offrir, en échange, un bien, un service ou un savoir à un autre membre du SEL, mais pas forcément à Paul. Elle promènera peut-être le labrador de Philippe qui, lui-même, arrosera les géraniums de Paulette, lorsqu’elle est absente, et ainsi de suite. Les mauvaises langues diront qu’on n’est pas loin du travail au noir. Faux, rétorque Edith Samba: «Il ne s’agit que d’un coup de main entre personnes.»
Les offres et les demandes disponibles sont répertoriées dans un bulletin interne qui peut prendre la forme d’un catalogue papier ou en ligne. «Personnellement, je préfère le bulletin papier, car il permet aux gens de se rencontrer sans écran interposé», indique la présidente du SEL vaudruzien. Les membres n’ont ensuite plus qu’à entrer en contact pour concrétiser l’échange et à se mettre d’accord sur la valeur du bien ou du service échangé. Les transactions ne seront pas rétribuées en monnaie sonnante et trébuchante mais en unités d'échange. Chaque SEL possède la sienne. Pour celle du Val-de-Ruz, ce sera des Batz, en référence à une ancienne monnaie locale. A Genève, on préfère les grains de sel, à Chailly (Lausanne) les TiPons, à Romont les Sésames....
Philosophie de vie
Un budget serré n’est pas la motivation principale des «selistes» qui viennent d’ailleurs d’horizons très variés. Pour Edith Samba, c’est plutôt une philosophie de vie qui pousse les gens à faire le pas. Elle y voit aussi un formidable moyen d’intégration pour les nouveaux venus dans une région: «Les SEL leur permettent de créer un réseau de connaissances et d’entraide, et même de se faire des amis.»
Si l’argent n’est pas la motivation principale, la crise financière a toutefois provoqué un regain d’intérêt pour les systèmes d’échange locaux. A tel point qu’on en compte aujourd’hui une vingtaine rien qu’en Suisse romande. A eux tous, ils regroupent un millier de membres environ. Ce qui traduit, selon Edith Samba, une aspiration à trouver une alternative à une économie qui fonctionne mal.
Chaque SEL se gère comme il l’entend. Tout un chacun peut y adhérer moyennant le paiement d’une cotisation annuelle destinée à couvrir les frais administratifs. Attention: si chacun est libre d’utiliser le système à sa convenance et d’accepter ou de refuser un échange, le SEL repose toutefois sur le principe du volontariat. Il présuppose donc un engagement minimum de la part de ses membres. Le système est également très transparent, puisque toutes les offres et les demandes sont publiées: si un membre sollicite toujours sans jamais rien offrir, les autres membres le sauront forcément.
Chantal Guyon
L’histoire du SEL
Le premier SEL est né au Canada dans les années 1980. Appelé LETS (Local Exchange Trading System), ce réseau d’entraide avait pour but principal de réinsérer les laissés-pour-compte et de leur permettre d’accéder à un certain nombre de services malgré le chômage et la pauvreté, grâce à un système de troc. L’Australie et l’Angleterre suivront.
En France, le premier SEL a été fondé en 1994 dans l'Ariège. Depuis, il a fait des petits, puisqu’on en compte 400 aujourd’hui, répartis dans tout l’Hexagone. En Suisse, le pionnier (Val-de-Ruz) a été créé en 1997.
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