Certains établissements thermaux suisses parent leurs eaux de mille vertus. La loi, pourtant, n’en exige pas tant. En termes de qualité, l’eau thermale doit simplement répondre aux mêmes exigences microbiologiques (bactéries, germes, etc.) que les autres installations de baignade et de douche accessibles au public. Et pour qu’un bain puisse être qualifié de thermal, il suffit, en Suisse, que son eau provienne d’une nappe souterraine et que sa température dépasse 20° C à la sortie de la source. Seuls les établissements de cure balnéaire proposant des traitements médicaux et qui ont été admis comme fournisseurs de prestation de l’assurance maladie (AOS) doivent remplir une condition supplémentaire. Leur eau thermale doit avoir «une propriété chimique ou physique particulière qui exerce ou permet d’attendre un effet curatif scientifiquement reconnu».
500 000 litres de fioul par an
On pense souvent que les eaux thermales sont naturellement chaudes, mais ce n’est pas forcément le cas. La règle des 20° C permet d’inclure des sources qui sortent de terre en dépassant à peine ce minimum légal. Il faut donc chauffer l’eau pour alimenter les bassins, qui vont de 28 à 44° C (voir tableau).
Exemples: à Saillon (VS), actuellement fermé à cause d’un incendie, elle avoisine 24° C en sortie de source; au Val-d’Illiez (VS), fermé aussi, elle est à 30° C.
Aux bains d’Ovronnaz (VS), elle jaillit à 24° C avant de parcourir plusieurs kilomètres jusqu’aux bains, où elle est chauffée au mazout pour atteindre 30 à 35° C. L’opération nécessite 450 000 à 500 000 litres de fioul par an, explique Jean-Daniel Descartes, propriétaire des lieux.
Le Valaisan précise avoir négocié avec les banques pour remplacer cette infrastructure ancienne par une pompe à chaleur et des panneaux solaires. Devis: un million de francs. Jean-Daniel Descartes dit vouloir agir aussi vite que possible: «Le système actuel coûte 500 000 fr. par an. Son changement permettra d’économiser 200 000 fr. par exercice comptable.»
Un projet pertinent. Selon Sébastien Humbert, expert en écobilans de la société Quantis, «une pompe à chaleur est 10 fois plus écologique que le fioul. Et on peut produire l’électricité nécessaire à son fonctionnement avec des panneaux solaires». Le spécialiste juge d’ailleurs «honteux de chauffer des bassins avec du mazout en 2021». Les bains thermaux détendent les humains, mais ils peuvent stresser le climat.
Au Centre thermal d’Yverdon, «l’eau sort à 29° C et les bassins vont de 28 à 34° C. Nous la chauffons donc entre 0 et 5° C, résume Didier Brocard, directeur. Nous sommes reliés au système de chauffage à distance de la ville d’Yverdon, qui utilise du gaz.» En 2020, l’établissement a consommé 3 809 729 kWh pour l’ensemble du chauffage. Selon Didier Brocard, le dispositif, ancien ne permet pas de savoir ce qui a été utilisé spécifiquement pour l’eau. «Mais le Centre va être prochainement refait dans son ensemble, relève le directeur. De nouvelles mesures d’économies et de récupération d’énergie seront mises en place.»
Excédent de chaleur valorisé
Aux Bains de Lavey (VD), la situation est totalement différente, comme l’explique Anthony Dufaux, porte-parole: «L’eau thermale provient de trois forages dont les températures en tête de puits vont de 52 à 67° C. Les bassins étant à 34-36° C, des échangeurs à plaque inox nous permettent d’utiliser la chaleur excédentaire pour le chauffage et l’eau chaude des bâtiments. Avec du mazout, il faudrait 400 000 litres par an.»
Du côté de Loèche-les-Bains (VS), qui possède le plus grand gisement thermal d’Europe, les températures sont élevées aussi. La source principale, parmi les 65 captées dans le village, atteint 51° C. Celle qui alimente le Leukerbad Therme, le plus grand des quatre centres thermaux de la station, atteint 44° C. Florent Moos, chargé de communication, explique qu’elles permettent de chauffer les bâtiments des bains et certains édifices publics.
Sébastien Sautebin