1. Responsabilité partagée
L’eau qui coule du robinet est, aux yeux de la loi, une denrée alimentaire. En Suisse, le distributeur est responsable d’acheminer un liquide irréprochable jusqu’aux compteurs des habitations. La responsabilité du propriétaire s’applique, ensuite, jusqu’aux robinets. En cas de doute sur la qualité de l’eau, les démarches varient selon l’âge de la maison.
⇨ Dans une ancienne maison, on s’adressera à un installateur sanitaire agréé* qui vérifiera l’état et la composition des conduites. On peut également envoyer un échantillon à l’inspecteur cantonal ou à un laboratoire agréé. Attention: cette démarche se fera après avoir convenu avec l’un d’eux du programme d’analyses.
⇨ Dans les constructions récentes, on approchera le distributeur ou la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (Ssige) qui enverra un contrôleur sur place.
2. Transparence de mise
Quelle est la composition exacte de l’eau du robinet? Est-elle riche en sels minéraux? Quel est son degré de dureté? Les communes ont l’obligation de communiquer ces informations à leurs citoyens, une fois par année au moins. Elles le font généralement en envoyant la facture, ou sur leur site internet.
La dureté, qui s’exprime en degrés français (F°), dépend de la teneur en calcium et en magnésium (calcaire). Cette indication est utile, notamment pour doser correctement la quantité de lessive ou envisager la pose d’un adoucisseur (lire ci-contre). On parle d’eau assez dure entre 25 F° et 32 F°. Elle est dure entre 32 F° et 42 F° et très dure au-delà de ce seuil.
En Suisse romande, cet indice varie fortement selon la composition de la roche et les eaux exploitées (nappes, sources ou lacs). Sur la carte, les eaux les plus dures se trouvent sur le Plateau où, circulant lentement, elles ont le temps de dissoudre les matériaux du sous-sol. Sans parler des apports d’engrais minéraux de l’agriculture. Les eaux mi-dures à dures épousent grosso modo les flancs calcaires de l’Arc jurassien. Elles sont douces à moyennement dures dans les sols granitiques du Valais et sur les bords du Léman (eaux du lac).
3. Pas indispendable, l’adoucisseur
Quand l’intérieur de la bouilloire blanchit au premier usage, lorsque le robinet semble toujours sale, il est tentant d’installer un adoucisseur à l’entrée de l’immeuble pour prévenir l’entartrage du chauffe-eau et des conduites. Cette démarche n’est toutefois pas indispensable pour plusieurs raisons.
⇨ Une conduite bien dimensionnée est, en quelque sorte, autonettoyante. Avec la pression, le flux emporte les particules de calcaire avec lui.
⇨ En formant une couche fine à l’intérieur des canalisations, le tartre protège celles-ci de la corrosion.
⇨ Le calcium et le magnésium présents dans l’eau sont bénéfiques à l’organisme, sans parler du risque d’introduire des bactéries dans le réseau par prolifération de la résine présente dans l’appareil et du sel dans l’eau adoucie.
Selon les inspecteurs des eaux et autres spécialistes, l’adoucisseur est inutile quand le degré de dureté est inférieur à 30 F°, ce qui écarte d’emblée bon nombre d’habitations en Suisse romande.
Si l’on souhaite tout de même en poser un, l’appareil doit prévenir l’entartrage du chauffe-eau seulement et ne pas traiter l’eau froide destinée au robinet de cuisine. Il doit enfin être régulièrement entretenu et le degré de dureté ne doit jamais descendre en-dessous de 12 F° à 15 F°, afin d’éviter la corrosion des conduites.
4. Laisser couler plutôt qu’injecter
L’eau potable doit être incolore. Si les premières gouttes sont brunes au retour des vacances, il faut s’attendre à ce qu’il y ait de la corrosion dans les conduites: selon la composition de l’acier et si l’eau est trop douce, celle-ci s’attaque en effet au métal. Il suffit alors de laisser couler le robinet quelques minutes avant de se servir. La quantité de fer dans l’eau ne doit pas dépasser 0,3 mg/l, un seuil rarement franchi, selon les experts.
Pour parer à la corrosion, des entreprises proposent d’assainir les conduites par résine époxy. Ce revêtement contient deux composants qui durcissent quand on les mélange, ce qui pose plusieurs problèmes.
⇨ Il est difficile d’assurer que le mélange «prenne» dans tous les recoins des canalisations, sans parler de l’acidité de l’eau et de la température variable qui jouent également un rôle dans le durcissement.
⇨ Il n’est dès lors pas rare que des résidus s’invitent ensuite dans la carafe, au détriment de la qualité de l’eau.
⇨ Les revêtements organiques, tels que la résine époxy, favorisent la prolifération des bactéries.
En conclusion, les chimistes cantonaux ne sont généralement pas favorables à cette intervention. De son côté, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) invite à la prudence. Il a édicté, à ce propos, des directives et la Ssige, une convention à faire signer par l’entrepreneur.
5. Côté plomb, c’est nickel
Des métaux lourds dans l’estomac, ce n’est pas très sain. L’eau qui passe par les tuyaux et les robinets contient-elle du plomb? Pas de danger au niveau du réseau: ce métal est interdit en Suisse depuis 1914 et les conduites sont en acier, en fonte ou en matériaux plastiques homologués. En revanche, la robinetterie et, quand il y en a, les réducteurs de pression peuvent perdre des particules de métal. Les valeurs légales de tolérance ne sont toutefois quasiment jamais dépassées.
En cas de doute, on confiera deux prélèvements à un laboratoire certifié: le premier sera effectué le matin en recueillant les premières gouttes, et le second après avoir laissé couler l’eau cinq minutes (contrôle de l’eau du réseau). L’opération coûte entre 120 fr. et 150 fr.
Claire Houriet Rime
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