C’est une question que chacun se pose inévitablement quand survient une panne: nos appareils ont-ils une durée de vie programmée? Sont-ils conçus pour ne pas résister au temps? Difficile de l’affirmer, même si les tentatives ne manquent pas. Ce qui est en revanche limpide, c’est que les fabricants ne limitent pas leurs efforts pour pousser les consommateurs à remplacer leurs appareils plutôt qu’à les réparer. Des produits globalement plus fragiles, des gammes de prix proches du coût de la réparation, une esthétique sans cesse renouvelée, des batteries scellées, des mises à jour indisponibles, des pièces de rechange introuvables ou prohibitives… On parle dès lors «d’obsolescence programmée indirecte», une pratique consistant à raccourcir la vie d’un produit non pas en le fragilisant, mais par des mesures de gestion conduisant à un inévitable remplacement.
La durée de vie théorique d’un produit étant difficile, voire impossible à établir, les consommateurs n’ont pourtant d’autre choix, pour éviter le gaspillage et les dépenses inutiles, que de miser sur la réparation.
C’est ce que nous avons voulu évaluer pour une quinzaine d’appareils, à l’heure ou l’Union européenne introduit de nouvelles règles sur «le droit à la réparabilité» et la France un indice de réparabilité, noté sur 10, et directement affiché sur le produit.
Les résultats de notre enquête (lire «Trop d’appareils doivent être jetés, faute de pièces de rechange») révèlent l’ampleur du problème dans notre pays: sur les quinze modèles que nous avons tenté de réparer, nous n’avons réussi à obtenir la pièce de rechange que pour trois d’entre eux, soit 20%.
Selon un rapport du Conseil fédéral datant de 2014, l’absence de pièces de rechange relève de «l’obsolescence programmée directe» et non pas indirecte. Ce qui n’a pas empêché l’exécutif fédéral de s’opposer, en 2018, à une obligation générale de stocker des pièces pour l’ensemble des appareils électriques ou électroniques durant cinq à dix ans. Avec cet argument pour le moins déroutant: «Une telle disposition ne saurait, à elle seule, garantir que tous les produits seront réparés, et donc utilisés plus longtemps.»
L’appareil politique ne devrait-il pas être réparé de toute urgence?
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef