1. De quoi parle-t-on?
Vin nature, naturel, vivant: ces termes sont utilisés pour désigner des vins vendangés manuellement, auxquels aucun additif ni sulfite (ou très peu) n’est ajouté et qui ne sont pas filtrés. Ce sont les levures indigènes, c’est-à-dire présentes sur le raisin, qui font le travail de fermentation. On n’utilise pas des levures calibrées par l’industrie. La dénomination n’est pas encore fixée et fait débat au sein de la filière. Certains estiment que l’appropriation du qualificatif «naturel» laisse entendre que les vins dits «conventionnels» ne sont pas des produits naturels. C’est pourquoi les professionnels lui préfèrent l’appellation «vins nature».
2. Quelle différence avec les vins bio et biodynamiques?
En bio et en biodynamie, aucun produit phytosanitaire de synthèse n’est admis dans la vigne. La biodynamie va même plus loin. Cette approche de la culture et de la production considère la nature dans son ensemble, tenant, par exemple, compte des cycles lunaires. Les labels Demeter et Biodyvin certifient cette démarche. En bio, la vinification se fait selon les méthodes traditionnelles avec quelques intrants. En biodynamie, les intrants sont encore plus limités, mais les sulfites admis pour stabiliser le breuvage.
3. Quelle est l’intention?
L’idée est de revenir à des méthodes de productions moins industrielles, explique Pascale Deneulin, professeure d’analyse sensorielle à la Haute Ecole de viticulture et œnologie de Changins (VD). Là aussi, la démarche est controversée. Certains estiment que c’est un pas en arrière de renoncer aux avancées qui ont permis d’améliorer la qualité des vins. Le mouvement est né, il y a une cinquantaine d’année, en France.
4. Pourquoi deviennent-ils populaires maintenant?
Cette popularité s’inscrit dans la tendance du développement durable et du souhait de consommer local et sain. Un mouvement encore amplifié par la pandémie, constate Pablo Nedelec, un des responsables de la sélection au Passeur de vin, une boutique spécialisée à Genève et à Lausanne. S’ajoute à cela que la qualité s’est nettement améliorée, ces dix dernières années, car les vignerons ont gagné en expérience et savent mieux gérer les aléas de la production. Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle important de vecteur marketing et font beaucoup bouger les choses.
5. Y a-t-il un label?
Pour l’heure, il n’existe pas de définition juridique des «vins nature». N’importe quel vin peut donc être qualifié de tel. Et il y a risque d’abus, vu l’intérêt grandissant pour ces crus.
Les producteurs sont en train de s’organiser. En France, le logo «vin méthode nature» a été lancé. En Suisse, l’association Vin Nature vient de voir le jour. Ses membres – une trentaine de producteurs dont la liste est en ligne – s’engagent à respecter une charte de production stricte et doivent être certifiés bio ou Demeter. Un logo pourrait suivre, mais il restera toujours une part de confiance, car tous les critères d’une production «nature» ne peuvent pas être vérifiés, relativise Pascale Deneulin, qui fait partie du comité de l’association pour les aspects scientifiques.
Romain Cellery, responsable de l’Ecole du Vin de Changins, recommande de se faire conseiller dans une vinothèque qui connaît ses vignerons ou directement auprès du vigneron. Il ne s’agit pas juste de trouver une bouteille qui corresponde à ses goûts, mais aussi de savoir comment l’apprêter, une étape particulièrement déterminante dans les «vins nature».
6. Pourquoi la bouteille coûte-t-elle souvent plus de 20 francs?
La production des «vins nature» demande davantage de travail manuel, plus d’attention et un accompagnement très suivi, car les fautes potentielles ne peuvent pas être corrigées par des intrants, explique Pascale Deneulin.
7. Sont-ils vraiment plus sains?
Souvent bio ou biodynamiques, les vins ne devraient pas contenir de résidus de produits phytosanitaires de synthèse. Certains disent aussi que, sans sulfites, les vins ne donnent pas de maux de tête. Pascale Deneulin précise que cela ne concerne que les personnes sensibles à cette substance. Pour les autres, c’est souvent l’alcool qui est responsable de ce désagrément. Et n’oublions pas que nous avons affaire à une boisson alcoolisée, dont l’abus est mauvais pour la santé, qu’elle soit naturelle ou pas.
8. Et plus écologiques?
Là encore, le fait qu’il s’agisse souvent de vins biologiques ou biodynamiques leur donne un léger avantage… quoique. Les vignobles bio sont souvent traités au cuivre, un métal lourd qui s’accumule dans les sols. En plus, le fait de renoncer à tout intrant pour corriger de possibles fautes, augmente le risque de pertes, les années de mauvaises conditions de production. Qui veut consommer du vin écologique optera pour des cépages résistants, comme le cabernet Jura ou le Divico.
9. Ça a quel goût?
Les «vins nature» présentent une gamme de goûts aussi variés que ceux «conventionnels». Toutefois, note Romain Cellery, responsable de l’Ecole du Vin de Changins, il y a actuellement une tendance aux vins fruités et rafraîchissants à laquelle beaucoup de «vins nature» correspondent. Un style facile à boire et digeste.
10. Vin orange, Pét-Nat, des spécialités naturelles?
Le vin orange n’est en lui pas une spécialité naturelle, mais cette technique de vinification est propice à la création de vin sans intrant. Il s’agit d’un cépage blanc qui est pressé, puis fermenté avec la peau, soit la technique de vinification du vin rouge.
«Pét-Nat» est l’abréviation de «pétillants naturels». Ce sont des vins à bulles qui finissent de fermenter en bouteille. Ils sont moins chers et moins conformistes que les célèbres vins pétillants, explique Pablo Nedelec.
Sandra Porchet