Lorsqu’il est venu s’installer en Valais, Roland Berra a décidé de couvrir une partie de son toit de panneaux solaires photovoltaïques pour produire sa propre électricité. Mais la démarche écologique de ce directeur retraité s’est vite heurtée à la dure réalité économique. Durant la journée, l’installation (qui a coûté, tout compris, près de 60 000 fr.) produit plus que son propriétaire ne consomme. Le courant étant impossible à stocker, notre lecteur vend donc son surplus 9.3 ct. le kWh à un fournisseur d’électricité qui l’injecte dans le réseau. La nuit et les jours couverts, en revanche, les panneaux ne produisent que peu ou rien. Roland Berra achète donc de l’électricité à ces moment-là, mais il doit alors payer 24 ct. le kWh, soit presque trois fois le prix auquel il vend sa production.
Plus surprenant encore: si Roland Berra voulait racheter du courant solaire pour sa consommation, il devrait payer un supplément de 60 ct. par kWh! Notre tableau montre, en effet, que les fournisseurs vendent l’énergie verte avec un surcoût important (de 58 ct. à 80 ct.). Dans le même temps, ils achètent la plupart du temps l’électricité solaire des petits producteurs au prix du courant normal. Les distributeurs justifient ces différences très importantes par le fait que le courant solaire qu’ils vendent comme tel est certifié, c’est-à-dire qu’il bénéficie d’un label de qualité, alors que celui qu’ils achètent aux petits producteurs ne l’est pas. Pourtant, les fournisseurs ont la possibilité de faire certifier l’électricité des petits producteurs, ce qu’ils ne font généralement pas.
Une installation coûteuse, une compagnie qui rachète le courant à un tarif inférieur à celui auquel elle le vend (voir les différentes politiques des distributeurs à ce sujet dans notre tableau): autant d’éléments qui n’encouragent guère à tenter l’aventure du photovoltaïque, s’indigne Roland Berra. En tenant compte de l’amortissement de son installation, dont la durée de vie est d’environ 25 ans, le coût effectif du kWh atteint, en effet, près de 50 ct. pour notre lecteur.
File d’attente
Certes, la Confédération a mis sur pied une politique d’encouragement des énergies renouvelables, notamment photovoltaïque, en lançant un programme de rachat du courant des petits producteurs privés. Leur électricité est ainsi achetée à un tarif décent, dit de RPC (rétribution à prix coûtant), pendant 25 ans, ce qui permet d’amortir l’installation. Mais une avalanche de demandes a créé une file d’attente de plus de 7000 dossiers. Ceux qui ont acheté des panneaux et qui ne bénéficient pas de la RCP sont, dès lors, contraints de vendre leur surplus au tarif que les distributeurs veulent bien le leur acheter. Et, si cette électricité est chère à produire, la plupart des sociétés d’électricité refusent de la reprendre à un tarif préférentiel ou à prix coûtant.
Des prix qui varient fortement
Dans la pratique, comme le montre notre tableau, qui concerne huit des nombreux distributeurs romands, les tarifs sont très hétéroclites. Energie Sion et Région (ESR), par exemple, achetait officiellement, l’an dernier, 7.13 ct. le kWh photovoltaïque produit par les petites installations privées. Raphael Morisod, son directeur, se défend de jouer les pingres: «Si je trouve quelqu’un disposé à me payer ce type de courant plus cher que le courant normal, alors je l’achète au prix qu’il m’offre au petit producteur, sans faire de bénéfice, mais les intéressés ne se pressent pas au portillon.» En 2009, la loi de l’offre et de la demande aurait ainsi permis à ESR d’acheter l’électricité photovoltaïque 55 ct. le kWh en moyenne, au lieu des 7.13 ct prévus.
Quoi qu’il en soit, dans de nombreux endroits, l’usager qui ne bénéficie pas de la RPC ne parviendra pas à rentabiliser son investissement à cause du prix de reprise trop bas.
Des solutions existent pourtant. Dans le canton de Genève, à la suite d’une décision politique, les Services industriels (SIG) reprennent le courant solaire à prix coûtant, soit 47.5 ct. Sans être aussi généreuses, d’autres sociétés, comme Romande Energie, revendent l’électricité aux petits producteurs au même prix qu’elle le leur achètent. Un système qui conviendrait totalement à Roland Berra.
A l’avenir
L’année 2011 a commencé par une nouvelle plutôt mauvaise pour les passionnés du soleil: la Confédération a décidé de réduire les prix de la RPC! Le coût des installations photovoltaïques a enregistré, l’an passé, une baisse importante qui devait, de l’avis des autorités, être répercutée sur le taux de rétribution, faute de quoi les exploitants d’installation obtiendraient un rendement trop élevé…
En contrepartie, la part maximale des fonds RPC réservés au photovoltaïque a augmenté de 5% à 10%, ce qui devrait permettre de réduire le nombre de dossiers en attente.
Autre aspect positif: la décision de la Confédération se base sur un phénomène de fond plus que réjouissant. La forte baisse du prix du matériel photovoltaïque, qui devrait se poursuivre ces prochaines années, va, en effet, diminuer notablement les coûts de production et rendre l’investissement dans le solaire moins périlleux.
En attendant, seule l’obtention de la RPC ou la chance de résider dans une région dépendant d’un fournisseur d’électricité généreux permettent de rentabiliser l’achat d’une installation.
Sébastien Sautebin